Après m’être essayé à la culture du pleurote jaune, il ne pouvait y avoir de suite logique à ma passion, si je ne cultivais pas le pleurote rose! Ce champignon adore la chaleur, il est parfait à cultiver en été, ou même sous serre au début du printemps. A mon avis, le Pleurotus djamor, de son nom scientifique, est le plus facile à cultiver, au vu de son cycle de croissance extrêmement rapide, c’est également un fungi de choix si vous avez peu de moyens à votre disposition, il est très résilient pour les débutants. Dans cet article, je vous parle de son écologie et de sa culture en intérieur et en extérieur!
Écologie du pleurote rose
Le pleurote rose vit dans les zones tropicales et subtropicales de notre planète. Sa zone de répartition géographique naturelle s’étend de l’Asie à l’Amérique en passant par les zones humides d’Afrique.
Il est unique de part sa couleur et sa morphologie. Son pied très court le fait ressembler à un coquillage, et le distingue ainsi des autres pleurotes. Son odeur est également plus forte et prononcée.
Les forêts denses et humides sont son principal havre de paix, où il se développe sur des arbres aux bois durs, des palmiers, ainsi que des bambous. Ce champignon décomposeur primaire se nourrit également de bananiers et de cannes à sucre sur les Îles. En Amazonie, on peut le retrouver sur Ficus elastica, l’arbre à caoutchouc.
Sous le nom scientifique de Pleurotus djamor, qui signifie pleurote de l’amour, sont regroupés en réalité, plusieurs variants génétiques de pleurote rose. On trouve le variant Pleurotus salmoneostramineus découverte par le Dr Vasil, qui l’avait associé à la couleur du saumon. Pleurotus djamor est également un synonyme génétique de Pleurotus flabellatus.
Pleurotus djamor est aussi très proche de Pleurotus eous qui est la pleurote rose cultivée en Afrique, notamment au Ghana.
Remarque: Vous trouverez ici une étude sur l’utilisation des déchets agricoles pour la culture de Pleurotus eous )
Cuisiner avec la pleurote rose
Il vous faudra le cuisiner cru pour préserver sa couleur jolie, qui hélas, s’estompe à la cuisson.
Son goût est plus boisé et sa texture plus ferme que celui des autres pleurotes. N’hésitez pas à le faire cuire un peu plus longtemps pour libérer ses arômes.
Il s’agrémente très bien dans les salades crues pour leurs donner une couleur originale. Pour une salade entièrement rosée, n’hésitez pas à mélanger avec des crevettes, du saumon et des pleurotes roses!
Djamor au marché
Pleurotus djamor est un très joli champignon à cultiver, mais il peut être également intéressant à commercialiser. Il ne se trouve pas facilement en supermarché, en avez-vous déjà seulement vu? Sa couleur rose à rouge flashy peut être de bon goût pour attirer des clients si vous possédez un stand de vente.
De plus, les pleurotes sont au troisième rang des champignons les plus vendus aux monde. Cependant, attention, toutes les cultures ne s’apparentent pas à la phrase « Pink is hot » des New Yorkais..!
Cultiver le pleurote rose
Comme je vous l’ai dit précédemment, le pleurote rose est un champignon (très) facile à cultiver chez soi. Il est, de plus, très adapté aux régions chaudes, et également aux personnes avec peu de moyen pour se lancer dans la culture des champignons. Il permet aux myciculteurs débutants de réaliser des erreurs sans qu’ils leurs en coûtent la mort de leurs champignons. Si une idée de projet pédagogique vous intéresse , c’est un champignon très intéressant de par sa rapidité de pousse et sa couleur tape à l’œil !
Quelques spécificités de la culture
Un mycélium d’une extrême agressivité :
De l’ensemencement du substrat, à la colonisation, il faut seulement 7 à 10 jours pour le pleurote rose pour fructifier abondamment. En effet, son mycélium est capable de s’acclimater à des substrats qui ne sont même pas pasteurisés. Peter Oei, spécialiste de la production de champignon, a pu observer du mycélium de Pleurotus djamor se nourrir de certaines espèces de moisissures présentent dans les substrats, jusqu’à leurs digestions complètes.
Personnellement je n’ai jamais tenté l’expérience de la non pasteurisation. Mais, j’ai pu observer que le taux de réussite que j’ai obtenu sur mes substrats avec le pleurote rose était plus important qu’avec les autres pleurotes dans les mêmes conditions de culture.
Adaptations aux substrats
La culture du pleurote rose ne nécessite pas de substrat spécifique, comme la plupart des pleurotes. On peut utiliser, pour la fructification, des substrats basiques:
- Sciure de bois dur, tendre
- Déchets de cannes à sucre
- Feuilles de bananiers
- Paille de céréales
- Rondins de bois de feuillue ( fructification entre 6 et 12 mois après ensemencement)
- Marc de café, etc..
Globalement tous les substrats carbonés sont adaptés à la culture des champignons saprophytes décomposeurs primaires.
Mais le mycélium du pink oyster a la capacité d’émettre avec une grande vitalité des hyphes ( les filaments de mycélium) plus longs et plus touffus que les autres pleurotes.
Cette capacité lui permet de coloniser des substrats peu compacts avec facilité. Ainsi il peut être cultivé en extérieur sur des copeaux de bois par exemple.
La paille qui est très tendre, offre le meilleur ratio rendement/temps avec la culture du Pleurotus djamor. Vous pouvez obtenir des EB entre 75% et 150%. Si vous ne savez pas de quoi je parle, je vous invite à lire cet article sur le rendement et l’efficacité biologique des champignons.
Remarque: L’utilisation de supplémentation pour la culture du pleurote rose s’avère très efficace pour augmenter le taux de protéine qu’il contient. Sur une culture de déchets de cannes à sucre, le taux moyen de protéine est de 19% du poids sec, avec 0% de supplémentation. Il passe à 30% du poids sec avec l’utilisation de 30% de supplémentation! Pour en savoir plus, je vous invite à lire cette étude.
Culture en extérieur
Le pink oyster se cultive comme les autres pleurotes en extérieur. Vous pouvez le cultiver à partir du mois de Mai au jardin.
Vous pouvez cultiver le pleurote rose au potager sur rondins de bois, sur paille, ou directement dans un lit de copeaux sur le sol. Choisissez un coin ombragé et humide.
La culture en serre est envisageable vu qu’il supporte jusqu’à prêt de 30°C durant la fructification. De plus la serre permet de diminuer les variations de température, notamment entre le jour et la nuit, et permettra à la fructification, de s’initier plus facilement. N’hésitez pas à aérer régulièrement la serre, Pleurotus djamor est sensible à une bonne respiration oxygénée.
Sa résistance aux moisissures et sa rapidité de pousse, lui permettront de survivre à une pression importante d’autres prédateurs, comme les gastéropodes ou les rongeurs. S’il est en votre capacité technique ( et éthique) de la protéger de ses prédateurs, n’hésitez pas à lui créer une barrière anti limace ou d’utiliser vos félins préférés (la lutte biologique apporte toujours de bon résultat.)
Cependant cette variété de pleurote, de part l’odeur qu’elle dégage reste sensible à la pression des insectes mycophiles, qui la repèrent facilement.
Si vous résidez dans des zones où l’hiver n’est pas doux, il y a peu de chance que votre culture de Pleurotus djamor survive à l’hiver en extérieur. Il ne supportera pas une température inférieure à 8°C.
La culture en intérieur
Si vous êtes novice, avant d’essayer de cultiver le pleurote roe, je vous invite à lire cet article sur les 7 étapes de la culture des champignons. Les conseils que je donne par la suite s’agrémentent à ceux ci.
Paramètres pour cultiver le pleurote rose
- Choix de la souche : De nombreuses souches de Pleurotus djamor existent. Mais elles se cultivent toutes, à très peu de choses près, de la même manière. Il peut cependant exister des variants produisant en plus des sporophores roses, des champignons beiges et marrons aléatoirement. ( notamment la souche Africaine).
- Choix du substrat: En tant que décomposition primaire, le pleurote rose acceptera tous les substrat à base de lignine, de cellulose et hemi-cellulose : paille, bois, carton, sciure, papier, déchets agricoles, etc.
Vous pouvez tester de ne pas pasteuriser le substrat, si vous disposez de matière fraiche et que vous ne rajoutez pas de supplémentation! - Inoculation du substrat: Vous pouvez utiliser moins de 5% de mycélium pour le lardage. La pleurote rose ayant un mycélium agressif, pas besoin d’en utiliser plus! Veillez cependant à ce que le mélange soit bien homogène!
- Incubation du substrat: Parmi les 4 paramètres de culture de base, la température est le facteur le plus limitant pour un myciculteur.
En été, la chaleur limite le nombre de culture de champignons possibles. Mais le pleurote rose supporte des températures de colonisation jusqu’à près de 30°C.
C’est un champignon avec une grande fourchette de température pour la culture. Si en intérieur l’endroit où vous cultivez n’est pas très isolé thermiquement, ce type de pleurote peut être un très bon choix.
Cependant, en dessous de 18°C la culture du pleurote rose sera difficile en terme de colonisation. Je vous conseille un minimum de 20°C pour que le mycélium se propage efficacement sur le substrat. - Initiation des primordias: Pour initier la formation des primordias, la simple colonisation complète du substrat, et donc le manque de nutriments, suffira à la déclencher. Vous pouvez également utiliser les techniques classiques du frigo et de l’immersion dans l’eau.
- Maturation des fructifications et récoltes: Pour voir de beaux fruits apparaitre, le tout est de créer une variation suffisamment importante de température, entre la colonisation et la fructification.
Par exemple, si votre température de colonisation est de 28°C, mettez le champignon en fructification à 23°C.
Vous pourrez faire entre 2 et 3 récoltes. La couleur est la plus intense à mi-maturité pour ce champignon. Lorsque les bords commencent à s’éclaircir et le chapeau à devenir concave, il est temps de récolter. - Relancer la culture: La culture se relance de manière classique, en remettant les champignons en condition d’incubation, puis en induisant un nouveau stress pour initier la formation de nouveaux carpophores. Comptez environ 10 jours pour obtenir une nouvelle récolte!
Des conditions pour un rose brillant
Ce qui fait le charme de ce champignon, c’est sa couleur. Voyons donc comment lui faire voir la vie en rose.
Pour cultiver le pleurote rose, je vous conseille d’utiliser de la sciure fine de bois tendre, comme le hêtre, pour commencer. En effet, c’est un substrat qui est facile à coloniser pour les pleurotes, celle-ci s’y établit vite du fait de sa granulométrie équilibrée et de sa faible rétention d’eau. Ce substrat est également plus riche en nutriment que la paille, ce qui permet une bonne alimentation pour synthétiser une belle pigmentation rose à notre pleurote.
L’équilibre du substrat est essentiel pour cultiver pleurote rose, notamment donc, pour le développement d’une jolie couleur rose. Mais la quantité de lumière influence autant la synthèse de cette pigmentation. Il faut savoir que le pleurote est l’un des champignons le plus sensible à la lumière. Plus la lumière sera intense, plus le rose aura tendance à tirer vers le rougeâtre. Compter 10 à 15 watts par m2 pour une couleur équilibrée. Trop de lumière aura tendance à inhiber la formation des primordias, et donc des sporophores.
Cependant en vieillissant la pigmentation de Pleurotus djamor a tendance à diminuer.
Remarque: Une petite anecdote sur la couleur de la sporée du pleurote rose, pour ceux qui auront lu cet article jusque là! La sporée, c’est l’ensemble des spores d’un champignon. Pour le pleurote rose, le célèbre mycologue Paul Stamets a observé que la couleur des spores de Pleurotus djamor était directement liée à la couleur du fruit, ce qui est unique !
Un carpophore rose pâle donnera une sporée de couleur rose pâle, un carpophore presque rougeâtre donnera une sporée presque rougeâtre !
Synthèse des paramètres de culture du Pleurote rose
Paramètres d’incubation du Pleurote rose
Température d’incubation | 24 à 30°C |
Humidité relative | 95 à 100% |
Durée d’incubation | 7 à 10 jours |
Concentration de C02 | > 5000ppm |
Échange d’air frais | 0 à 1 volume/h |
Besoin en lumière | n/a |
Paramètres d’initiation des primordias du Pleurote rose
Température d’initiation | 18 à 25°C |
Humidité relative | 95 à 100% |
Durée d’initiation | 2 à 4 jours |
Concentration de C02 | 500 à 1000 ppm |
Échange d’air frais | 5 à 8 volume/h |
Besoin en lumière | 750 à 1500 lux |
Paramètres de fructification du Pleurote rose
Température de fructification | 20 à 30°C |
Humidité relative | 85 à 90% |
Durée de fructification | 3 à 5 jours |
Concentration de C02 | 500 à 1500 ppm |
Échange d’air frais | 5 à 8 volume/h |
Besoin en lumière | 750 à 1500 lux |
Nombre de récolte | 2 récoltes, à 7 à 10 jours d’intervalle |
Si vous avez des questions pour cultiver le pleurote rose, n’hésitez pas à nous les poser en commentaire ! 🙂
Bonjour Andrea, merci encore pour tout ton travail.
J’ai commencé la culture de pleurotus djamor en pftek. En effet le mycelium se développe de façon très impressionnante. quoi qu’il en soit, quand j’ai considéré que mon substrat était totalement colonisé, je l’ai mis à fructifier (en oubliant de le laisser 24heures dans l’eau froide). J’ai considéré que c’était totalement colonisé car le champignon commançait meme à sortir de la boite pftek (pas tout à fait hermétique) et ce qui sortait avait la texture du champignon de Paris que j’achete au super marché. Ca fait maintenant 2 jours que mon cake est a fructifier et j’ai l’impression que ce qui se développe, c’est encore du mycelium et pas le fruit (car c’est toujours cotonneux et rose-orange et on ne dirait pas du tout la texture d’un fruit). D’autre part, l’odeur est plutôt aigre, et me fait douter de la santé de mon mycelium. Est-ce que mon résultat est normal? faudrait-il que je mette le cake dans le froide pendant 24h maintenant ou bien c’est trop tard? comment puis-je te transferer les photos pour que tu observes? (Si ça t’intéresse biensûr)
NB : mon substrat est 50% vermiculite, 25% farine de riz brun bio, 25% eau (pourcentage du volume total)
Bonjour Annette et merci de vos questions.
Je site « D’autre part, l’odeur est plutôt aigre, et me fait douter de la santé de mon mycelium » Je pense que votre mycélium est probablement colonisé. L’odeur devrait être agréable.. Vous pouvez cependant m’envoyer vos photos à message@cultiver-les-champignons.com
Bien à vous.