Peut-on cultiver les cĂšpes ? La culture des champignons commence Ă ĂȘtre populaire en France, avec la culture des pleurotes, des shiitakĂ©s et autres champignons saprophytes. Mais peut-on cultiver les champignons mycorhiziens, comme par exemple, les cĂšpesâ? Avant de vous donner une rĂ©ponse plutĂŽt intĂ©ressante, je vais vous expliquer briĂšvement les dĂ©fis que la myciculture doit relever pour cultiver ces champignons symbiotiques.
Le fonctionnement des champignons mycorhiziens
Les champignons mycorhiziens sont des champignons qui forment une association symbiotique avec les plantes, Ă lâaide dâune structure appelĂ©e mycorhize. Lâarbre donne des sucres issus de la photosynthĂšse au champignon, qui lui offre en Ă©change protection, minĂ©raux et vitamine. Ces champignons peuvent Ă©galement ĂȘtre dĂ©pendant de bactĂ©rie, ce qui rend leur culture vraiment complexe.
C’est la cas de champignon comme les bolets, les chanterelles, les lactaires, les russules ou encore les morilles.
On sait tous de mĂȘme en cultiver quelques un. Par exemple, la truffe est un champignon ectomycorhizien que lâon cultive Ă lâaide dâarbres mycorhizĂ©s, qui sont implantĂ©s dans des parcelles agricoles et qui produisent des champignons hypogĂ©s, sur les racines de ces arbres, dits truffiers. Dans ce cas, on cultive lâarbre qui nous permet dâobtenir les champignons.
Cela fonctionne sur le mĂȘme principe avec le bolet jaune et le lactaire sanguin, que lâon peut cultiver en verger fongique.
Les champignons que lâon cultive couramment, ce sont donc des champignons saprophytes, qui ont simplement besoin de matiĂšre organique, comme la paille, la sciure ou encore le compost pour les dĂ©composeurs secondaires.
Mais on sait depuis peu que certains champignons mycorhiziens peuvent avoir des activitĂ©s saprophytes. Câest-Ă -dire quâils peuvent dĂ©grader eux aussi de la matiĂšre organique pour se nourrir, en substitution, Ă leur «âperfusionâ» racinaire habituelle.
Câest le cas de la morille que lâon sait cultiver Ă la maniĂšre dâun champignon saprophyte. Les souches ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es pour leur capacitĂ© Ă ĂȘtre cultivĂ©es en absence dâarbre hĂŽte. Leur culture peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en intĂ©rieur ou en extĂ©rieur suivant les itinĂ©raires techniques. Mais alors quâen est-il de la culture du cĂšpeâ?
Peut-on cultiver les cĂšpes ?
Alors peut-on cultiver les cĂšpesâ? Et bien, la rĂ©ponse est⊠ouiâ!
Enfin tous les cÚpes, je ne sais pas, mais en Asie, notamment en Chine, on sait cultiver le cÚpe noir en condition contrÎlé.
Ă lâheure oĂč jâĂ©cris ces lignes, des entreprises agricoles chinoises sont en effet capables de faire pousser des cĂšpes en condition artificiels. LâespĂšce concernĂ©e est Phlebopus portentosus, une espĂšce que lâon ne trouve pas en France et que lâon confond parfois avec Boletus aereus, le cĂšpe bronzĂ©.
Normalement comme on vient de le voir les cĂšpes sont des champignons mycorhiziens, mais certaines des souches qui poussent dans la zone du Yunnan ont une capacitĂ© Ă croitre sans arbre hĂŽte ce qui remet complĂštement en perspective nos connaissances actuelles sur les bolets, champignons plus saprophytes que prĂ©vuâ!
La culture du cĂšpe noir est donc actuellement rĂ©alisĂ©e principalement dans la province de Yunnan, en condition montagneuse entre 600 et 1500 m dâaltitude, bien que dâautres provinces du pays sâessaient actuellement Ă cette nouvelle culture fongique.
La culture se fait bien évidemment en conditions trÚs contrÎlées, et des moyens industriels ont été mis à disposition, Phlebopus portentosus étant un champignon complexe à faire pousser.
Le substrat de fructification diverge en fonction des entreprises. La plus grosse unitĂ© de production utilise de lâhĂ©vĂ©a, un arbre exotique dâAmazonie duquel on extrait le caoutchouc. Dâautres entreprises utilisent de la paille dâorge ou encore de paille de riz comme base de substrat.
DĂ©jĂ ce que ces informations nous disent, câest que le cĂšpe noir nâest pas spĂ©cifiquement associĂ© Ă une plante, mais plutĂŽt Ă une substance contenue dans une plante. AprĂšs consultations de quelques articles scientifiques, il semble que Phlebopus portentosus est capable dâutiliser lâamidon. Si jamais vous voulez le tester en culture sur grain de maĂŻs ou vous pouvez utiliser du sorgho qui semble bien fonctionner et une gĂ©lose MEA pour isoler les souches.
Pour plus dâinformation sur la prĂ©paration du substrat de fructification, je vous invite Ă regarder le brevet en bas de lâarticle.
Les souches cultivées de cÚpe noir sont capables de produire des cÚpes uniques de 100 g dans des bouteilles de 800 ml. Avant de passer en fructification, la température en incubation est baissée pour favoriser la formation de sclérotes, qui permettront par la suite la fructification.
Pour informations, les sclérotes sont des structures de résistance qui sont rares chez les Bolets, mais on les retrouve également dans le cycle de vie de la morille.
De lâensemencement de la bouteille, jusquâĂ la rĂ©colte il faut compter environ 75 jours.
Pour rĂ©aliser cet exploit, lâentreprise la plus avancĂ©e dans le processus utilise pas loin de 18 brevets indĂ©pendants. Elle collabore Ă©galement avec lâinstitut scientifique de Yunnan et lâacadĂ©mie des sciences agricoles de Shanghai.
Par la suite, les résidus de cultures sont utilisés pour produire des bactéries et pour améliorer le sol en agriculture.
Les cĂšpes noirs, eux, sont vendus lâĂ©quivalent de 20 ⏠le kilo Ă travers tous le pays, mais pour arriver Ă un tel prix, lâentreprise produit environ 60â000 bouteilles de substrat par jours.
Avant de vous lancer dans cette expĂ©rience, sachez que câest une culture trĂšs exigeante et quâil vous faudra trouver les bonnes souches sauvages, avec les bonnes recettes de substrats, les bonnes conditions environnement, et surtout, beaucoup de patience et de travail.
Je vous laisse le lien dâun brevet avec quelques recettes si vous souhaitez vous lancer dans cette expĂ©rience pĂ©rilleuse : https://patents.google.com/patent/CN103766137A/en
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