La mycosylviculture : le verger à champignons

La mycosylviculture est une approche de gestion forestière qui intègre la culture des champignons comestibles et médicinaux dans les pratiques sylvicoles. Elle vise à la valorisation de champignons sauvages ou « domestiqués » tout en préservant la santé et la diversité des écosystèmes forestiers. On parle également de champignons agroforestiers ou encore de verger à champignons.

Dans cet article, nous explorerons les avantages multiples de la mycosylviculture et puis nous verrons comment débuter un verger à champignon, en plantant une forêt ou bien à partir d’une forêt existante.

Les avantages de la mycosylviculture en culture des champignons

Le seul système de culture de champignons mycorhiziens

La mycosylviculture est une option intéressante pour bénéficier d’un environnement naturellement propice à l’écologie des champignons sauvages. En effet, la plupart des champignons mycorhiziens, comme la chanterelle ou le cèpe de bordeaux ne peuvent pas être cultivés sur des substrats artificiels, tant les interactions avec leurs milieux sont complexes.

Les sols forestiers, eux, hébergent une diversité d’organismes vivants (communautés fongiques, bactériennes, macrofaune, microfaune…) qui vivent en symbiose et créent un équilibre naturellement complexe et adapté aux champignons mycorhiziens.

Ainsi, la culture associée à la culture des arbres, celles des champignons amèneraient l’écosystème forestier à être multiproductif.

Avantages écologiques et socio-économiques

Ces systèmes de culture ont des impacts positifs multiples sur toutes les sphères de la société :

  • Création de biodiversité dans des écosystèmes forestiers : La mycosylviculture favorise la diversité biologique, en encourageant la croissance des champignons mycorhiziens, qui jouent un rôle important dans les liens de l’écosystème.
  • Production durable de champignons comestibles et médicinaux de qualité supérieure : Ce type de culture perdure durant plusieurs décennies avec un entretien plus faible que les autres types d’agriculture.
  • Valorisation des ressources forestières et création d’emplois locaux : La mycosylviculture permet de valoriser les parcelles forestières inaccessibles pour la production mécanisée de bois. Elle permet aussi la valorisation des ressources fongique, et donc, de créer des emplois pour les communautés locales et renforçant les économies rurales.

    En comparant la production d’une parcelle forestière d’un hectare, on constate que sa valeur commerciale s’élève à environ 100 à 300 € en bois, sans prendre en compte les coûts de production. En revanche, une parcelle moyennement productive peut générer environ 10 kg de cèpes par hectare, d’une valeur comprise entre 150 et 200 €, ce qui est supérieur au rapport financier de la plupart des parcelles forestières.
  • Contribution à la sécurité alimentaire : La production de champignons comestibles peut améliorer la sécurité alimentaire en fournissant une source locale de nourriture nutritive et riche en protéines.
  • Réduction de l’impact environnemental par rapport à d’autres formes d’agriculture : La mycosylviculture nécessite généralement moins d’intrants chimiques et d’eau que d’autres formes d’agriculture. Elle réduit ainsi l’impact environnemental en aidant à maintenir les sols sains, nécessaires à la croissance des champignons.
  • Amélioration de la résilience des écosystèmes face aux changements climatiques : En favorisant la diversité biologique et en renforçant la santé des écosystèmes forestiers, la mycosylviculture peut aider à rendre les forêts plus résilientes face aux changements climatiques et aux perturbations environnementales.
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Actuellement, la ressource que représentent les champignons forestiers est sous-exploitée. Mais il faut faire attention à la tentation de tomber dans une mycosylviculture intensive pour la durabilité de ce système.

La production des champignons en fôret est à l'heure actuel sous exploitée
Illustration d’une fôret mycosylvicole

Comment débuter en mycosylviculture ?

Il y a deux manières d’aborder la mycosylviculture : en implantant une nouvelle forêt ou à partir d’une forêt existante.

En implantant une fôret

Les espèces de champignons cultivables en mycosylviculture

Vous l’avez compris, en mycosylviculture, les champignons sont associés avec les arbres, à l’aide de mycorhize. Si les conditions le permettent, favoriser la diversité des essences d’arbres. Voici quelques espèces de champignons que l’on peut faire pousser, associés à des arbres mycorhizés, dans un verger à champignon :

Vous pouvez trouver ces arbres mycorhizes ici : Pépière Robin [FR] et la casa de las Setas [ESP]

Par la suite, il est possible d’intégrer des champignons lignivores à votre verger. Ce sont des champignons qui eux, vont pousser sur des rondins de bois, qui peuvent d’ailleurs venir directement de votre verger. Cela peut être une manière de valoriser directement le bois sur place. Pour ce type de culture, on favorisera des billots d’arbres feuillus, plutôt que des conifères.

Quelques exemples de champignons comestibles et médicinaux qui peuvent venir seconder votre verger à champignons :

En connaissant correctement la saisonnalité des espèces, il est possible de récolter des champignons toute la saison.

Études du terrain et du climat

Pour implanter un projet de mycosylviculture, il est important de prendre en compte certains paramètres environnementaux clés. Voici quelques-uns des paramètres les plus importants à considérer :

  • Le climat : Les champignons ont des besoins spécifiques en matière de température, d’humidité et de lumière. Il est donc important de choisir une région où le climat est adapté à la culture des champignons que vous souhaitez faire pousser. Beaucoup de champignons sont cosmopolites, dans ce cas, leurs fructifications seront plus ou moins tardives/précoces en fonction de leurs implantations géographiques.
  • Le type de sol : Les champignons ont des préférences spécifiques en matière de sol, notamment par rapport au pH qui détermine l’équilibre des minéraux dans le sol. Par exemple, les truffes aiment les sols basiques, qui ont un pH autour de 8, d’autres champignons comme le bolet des pins aiment les sols acides avec un pH inférieur à 6. Dans tous les cas, une analyse du sol est fortement recommandée.
  • La qualité de l’eau : Le mycélium souterrain du champignon a besoin d’eau pour sa croissance, puis pour pouvoir fructifier. Il est donc important de choisir une région, un lieu où l’eau est disponible en quantité suffisante et de qualité adéquate pour la culture des champignons. Il est également possible d’irriguer dans le cas d’une production commerciale, notamment au moment de l’implantation.
  • La biodiversité du sol : Les champignons mycorhiziens vivent en symbiose avec les arbres, mais aussi avec les micro-organismes du sol. Il est donc important de choisir un lieu avec un sol vivant, avec une biodiversité adéquate pour la culture des champignons.
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Préparation du sol et plantation

Pour assurer une bonne production, il est essentiel de préparer correctement le sol, de planter et protéger les arbres contre les animaux nuisibles.

La préparation du sol idéal consiste en un hersage à 25-30 cm de profondeur, ou en travaillant le sol en parcelles de 1 m² sur 30 cm de profondeur si le labour n’est pas possible. Évitez de planter dans un terrain déjà arboré pour minimiser les risques de contamination par les souches mycorhiziennes existantes.

Lors de la plantation, installez les mottes sans les briser et recouvrez-les de 2 à 3 cm de terre. La distance de plantation recommandée est de 3 m x 3m ou 4 m x 4m.

Pailler les plants avec un paillage biodégradable en plaque, ou avec environ 100L de copeaux de bois. Cela vous permettra d’éviter le désherbage et conserver l’humidité pendant les 2 à 3 premières années cruciales. Protégez également les jeunes plants avec un manchon de protection contre les herbivores gourmands.

La mycosylviculture permet d'utiliser la ressource fongique en plus de la ressource en bois
Illustration d’une fôret mixte en mycosylviculture

La gestion à moyen et long terme

Durant les 2 premières années, il est essentiel de maintenir une humidité adéquate. Si le sol est trop peu humide, les mycorhizes et les arbres auront des difficultés à se développer. N’hésitez pas à arroser au goutte-à-goutte lors des périodes de fortes sécheresses.

Les arbres mycorhizés destinés à la culture des champignons commencent généralement à produire des champignons 3 à 4 ans après leur plantation.

Les pousses de champignons seront saisonnière en fonction de l’espèce et auront lieu selon les pluies et la température. Les rendements varient considérablement selon les espèces. Quelques centaines de kilos par hectare pour les lactaires, jusqu’à plus d’une tonne pour le bolet jaune.

La récolte des champignons en mycosylviculture doit être réalisée de manière durable pour préserver la santé de l’écosystème forestier et assurer la production à long terme. Laissez toujours quelques champignons autour des arbres. Cela permettra aux spores d’être libérées et de retourner coloniser de nouvelles racines.

Il est également possible de prélever du bois. Sachez qu’une coupe rase détruira la culture de vos champignons avec vos arbres. Des coupes de prélèvement sont possibles lorsque la forêt sera mature, mais elles seront surement faites par vos enfants, à moins d’essayer de créer des trognes. Mais attention, si vous prélevez des branches, vos arbres se rééquilibreront et perdront une partie de leurs racines, ce qui peut jouer sur la quantité de champignons produit l’année suivante. Tout est une question d’équilibre.

Avec une forêt existante

Une forêt déjà implantée peut être aménagée pour tendre progressivement vers un système de production multiple, quelques étapes sont nécessaires.

Connaitre sa fôret

Tous d’abord, il s’agit de savoir identifier les différents éléments et paramètres qui constituent votre forêt :

  • Les espèces d’arbres
  • Les espèces de champignons
  • Le type de sol
  • Le climat

Ces paramètres primaires vous permettront de connaitre le type d’écosystème dans lequel vous allez travailler, et de choisir les espèces de vous devriez naturellement favoriser pour la réussite de votre projet.

Facteur influençant la production des champignons

La pousse des champignons dans une forêt va dépendre de plusieurs facteurs types, en fonction de l’espèce que vous ciblez.

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Les interactions possibles dans une forêt existante sont infiniment complexes, il s’agit donc plutôt de favoriser la pousse d’un champignon déjà présent, plutôt que d’en implanter un nouveau.

  • Les préférences écologiques de l’espèce de champignon (milieu, type d’arbre, type de sol)
  • Les facteurs favorables et défavorables (densités et espèces d’arbres)

Cela vous permettra de déterminer si de nouvelles plantations doivent être effectuées ou bien si vous devriez en élaguer certaines, pour laisser davantage de lumière pénétrer dans votre forêt ou pour favoriser la présence de l’espèce souhaitée.

Pour en savoir plus, je vous conseille de consulter ce guide : Guide Mycosylviculture

Avec un peu de gestion, une fôret peut être rapidement amener à produire des champignons avec la mycosylviculture
Illustration d’une fôret en production de champignons sauvages

Conclusion

La mycosylviculture est une approche intégrée et innovante qui combine la culture des champignons avec une gestion durable de la forêt. Comme beaucoup de sujets en culture de champignon, la mycosylviculture est très récente. Peut-être dans quelques années verrons-nous naitre de nouvelles pratiques agricoles qui exploitent le potentiel des champignons, comme on pourrait l’imaginer avec « la mycovergericulture » associant la culture des champignons dans les vergers d’arbres fruitiers ?

Merci d’avoir lu cet article sur la mycosylviculture ! Si vous avez des remarques ou des questions, n’hésitez pas à nous laisser un commentaire :).

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2 réponses sur “La mycosylviculture : le verger à champignons”

  1. Christophe dit :

    Merci peu de gens communiquent sur se sujet c’est passionnant.

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