Milieux de culture pour champignons : quoi ensemencer avec quoi ?

En culture des champignons, il y a autant d’itinéraires de culture possibles que le mycélium forme de routes dans le substrat. En effet, la fabrication des substrats et leurs ensemencements dépendent beaucoup des matériaux disponibles, de notre niveau de pratiques et des raisonnements culturaux qui sont ancrés en nous. Dans cet article, je vais essayer de vous expliquer tous les ensemencements qu’il est possible de réaliser à partir des différents substrats de base dans la myciculture.

Pour chaque transfert d’un substrat à un autre, je vous parlerai de l’objectif principal que l’on cherche à atteindre pour remettre ces techniques de myciculture en contexte. Il y a beaucoup de possibilités donc je serai assez bref sur la description technique. Le but de l’article étant de présenter l’ensemble des possibilités d’ensemencement.

Évidemment, toutes ces méthodes de transfert représentent ce qui se fait classiquement en myciculture. Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas expérimenter des méthodes que je ne décris pas ici ! Au contraire, et, je vous prierai, même de m’en faire part en commentaire !

Avec quoi ensemencer les milieux de culture d’isolation ?

Par milieux de culture d’isolation, j’entends un milieu sur lequel on pratique une sélection précise, visible et utilisable pour la suite du processus de culture. L’agar sur gélose est un de ces milieux de culture. Il y a également l’agar en tube.

Milieu de culture : La gélose d’agar

Les géloses sont des milieux de culture très populaire en microbiologie, notamment pour les champignons
Les possibilités d’ensemencement d’une gélose

CRÉATION : SPORES => GELOSE 

On peut ensemencer une gélose avec des spores de champignons, cette étape permet aux spores + et — de s’appareiller pour former un mycélium secondaire, que l’on peut ensuite purifier. Pour en savoir plus sur les spores, je vous propose de lire CET ARTICLE.

SÉLECTION : MORCEAU DE CHAMPIGNON => GÉLOSE

La gélose d’agar peut être ensemencée avec un morceau de champignon de culture ou bien sauvage dans un but de sélection. A partir de cette nouvelle boite, on réitère le cycle de culture pour opérer des tests, sur la vitesse de croissance ou le rendement par exemple. On ne gardera que les souches qui ont le meilleur potentiel en fonction des besoins.

PURIFICATION : GELOSE => GELOSE

On utilise une précédente gélose d’agar, dans le cas d’une purification de culture par exemple. Une première culture sur agar peut être impure, c’est-à-dire qu’elle contient le mycélium du champignon à sélectionner, mais également d’autres microorganismes non désirés, elle ne peut donc pas être utilisée ainsi sans risque de contamination. On tente alors de l’isoler sur un second milieu de culture.

VÉRIFICATION : CULTURE LIQUIDE => GÉLOSE

Une gélose d’agar peut également être ensemencée par une culture liquide dans le but de vérifier sa pureté, c’est-à-dire si elle ne contient pas d’autres microorganismes non désirés. En effet, si votre culture liquide primaire est impure, alors les cultures liquides secondaires le seront aussi.

CONSERVATION : MYCÉLIUM => GÉLOSE

On peut également ensemencer une gélose d’agar avec un morceau de mycélium pur, dans un but de conservation, dans une mycothèque par exemple. Ce milieu peut provenir de grain, d’un substrat de fructification, de culture liquide, de gélose, etc. Pour la conservation, on gardera en tête d’avoir de la matière biologique la plus propre possible de la souche dont on souhaite conserver les caractères.

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Autres milieux de culture pour l’isolement.

Les tubes à essais et le carton sont des milieux de culture qui conviennent bien pour la sélection de champignons
Deux autres possibilités d’ensemencement

CONSERVATION :  GÉLOSE => TUBE À ESSAIE

Les milieux de culture à base d’agar sont également utilisés pour préserver à long terme la génétique des meilleures souches de champignons. On l’ensemence rarement avec d’autres milieux de culture étant donné que le but est de favoriser la proximité génétique de la souche à conserver.

PURIFICATION : MYCÉLIUM SAUVAGE => CARTON

On utilise cette technique généralement en mode Low Tech, ou Dirty Tech comme dirait mon ami Jérôme Legros. C’est une méthode qui ne se requiert pas forcément un milieu très propre pour travailler, il suffit de prendre un morceau du champignon ou du mycélium que l’on veut cloner et de le mettre dans un sandwich de carton humide. Le mycélium ainsi isolé, pourra être, soit de nouveau isolé de manière plus propre, soit directement utilisé pour ensemencer du grain.

Avec quoi ensemencer un milieu d’expansion (ou de colonisation)

Un milieu d’expansion ou de colonisation est un substrat qui permet d’augmenter la quantité de mycélium avant le transfert sur les substrats de fructification. Typiquement, on peut utiliser le grain, la sciure ou encore les cultures liquides pour fabriquer ce type de milieu.

Ensemencer du grain 

Le grain permet d'augmenter l'apport en azote pour les substrats suivant
Les possibilités d’ensemencement du grain

EXPANSION G1 : GELOSE => GRAIN

C’est la première partie de l’expansion. C’est la phase où l’on passe du substrat d’isolement au substrat de colonisation. C’est pour ça que l’on appelle G1 pour la première génération de grain. Généralement, on utilise un ou plusieurs morceaux de gélose, que l’on aura découpés auparavant avec un scalpel pour ensemencer directement le grain.

EXPANSION G1 : CARTON => GRAIN

On peut commencer une expansion de cette manière sur le même principe que la précédente. Il faut bien observer que le carton ne soit pas contaminé, puis observer que le grain soit OK, si c’est le cas, vous pouvez créer la génération G2.

EXPANSION G2, G3 : GRAINS => GRAIN

C’est l’expansion suivante. À partir du moment où les premières générations de mycélium sur grain sont créées, on peut ensemencer de nouvelles générations dans le but d’augmenter encore la masse de mycélium pour ensemencer davantage de substrats de fructification.

CLONAGE DIRECT : CHAMPIGNON => GRAIN

C’est quelque chose qui est rarement pratiqué, mais on peut prélever un morceau sain de champignon pour l’ensemencer directement dans un bocal de grain. Le morceau de champignon devrait être désinfecté à l’alcool à minima avant le prélèvement. Le mycélium se développera avec le morceau de champignon directement. Ce type d’ensemencement a également l’inconvénient de ne pas être très homogène, même si l’on transfère 2 ou 3 morceaux de champignons sains.

Ensemencer de la sciure :

La sciure est un des milieux de culture les plus adaptés en extérieur
Les possibilités d’ensemencement d’un milieu à base de sciure

EXPANSION G2 : GRAIN => SCIURE

On pratique le transfert sur sciure en vue d’une culture en extérieur. En effet, la sciure est une matière type semi-sélective. Elle va permettre principalement à nos champignons de se développer dessus. Une fois utilisées en extérieur elles seront moins sensibles à l’environnement, contrairement aux grains qui sont plus susceptibles d’être contaminés, même colonisés, ou bien d’être mangés par des insectes ou de petits mammifères.

EXPANSION G1 : CARTON => SCIURE

On peut ensemencer de la sciure sur le même principe de la technique précédente, mais avec du mycélium sur carton cette fois.

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EXPANSION G2 : SCIURE => SCIURE

Je pense que vous commencez à comprendre comment ça marche maintenant, on peut créer la deuxième génération sur sciure, directement avec génération G1 précédente de sciure.

Ensemencer des chevilles de bois

Les chevilles de bois conviennent bien pour l'extérieur, notamment pour des rondins ou des bûches
Les possibilités d’ensemencement des chevilles de bois

EXPANSION G2 : GRAIN => CHEVILLE DE BOIS.

On peut ensemencer également des chevilles de bois destinées à la culture en extérieur, sur rondin avec du mycélium sur grain. Attention cependant, la colonisation des chevilles de bois peut être assez longue en fonction de l’essence utilisée.

EXPANSION G2 : SCIURE => CHEVILLE DE BOIS.

Ici, c’est la même chose que la technique précédente, mais ici, pour moi, on réduit son risque de contamination étant donné que la sciure est moins sensible aux contaminations dans le temps, ce qui favorise la réussite d’ensemencement de substrat comme les chevilles de bois.

EXPANSION G1 : CARTON => CHEVILLE DE BOIS.

Méthode qui fonctionne bien, si l’on pratique l’ensemencement en couche régulière de carton et de cheville de bois pour permettre une colonisation homogène.

EXPANSION G2 : CHEVILLE DE BOIS => CHEVILLE DE BOIS.

On peut garder une certaine quantité de chevilles de bois pour en coloniser de nouvelle d’une année sur l’autre. Attention à ensemencer les nouvelles chevilles de bois avec au moins 10 à 20% de chevilles déjà colonisées.

Ensemencer du carton 

Le carton permet de réaliser par la suite des cultures en intérieur ou en extérieur
Les possibilités d’ensemencement du carton

EXPANSION G2 : GRAIN => CARTON

L’ensemencement de carton à base de graine fonctionne bien pour les cultures extérieures. Il suffit de disperser quelques graines sur le carton pour faire en sorte d’ensemencer une importante surface qui pourra elle-même ensemencée une importante surface de culture au jardin.

EXPANSION G2 : SCIURE => CARTON

Cette méthode fonctionne exactement comme la précédente, avec l’avantage d’avoir un mycélium déjà adapté à une matière semi-sélective. L’absence de grain permet également de diminuer son niveau de contamination.

Ensemencer une culture liquide :

La culture liquide permet de produire de grand volume de mycélium
Les possibilités d’ensemencement de la culture liquide

EXPANSION G1 : MORCEAUX DE CHAMPIGNON => CULTURE LIQUIDE.

C’est une première technique possible pour générer de la culture liquide. Elle permet de répliquer une génétique de champignon intéressante sans avoir à passer par une gélose. Attention à utiliser un clonage interne au champignon pour prélever la partie la plus propre possible sur le carpophore.

EXPANSION G2 : GRAIN => CULTURE LIQUIDE.

Sur le même principe, du mycélium sain peut être utilisé pour générer de la culture liquide, même si ce n’est généralement pas une méthode dite « classique de myciculture ». En effet, on cherche plutôt à garder une souche génétique proche de l’originale, lorsque l’on produit des cultures liquides, étant donné la puissance d’expansion de cette méthode.

EXPANSION G1 : GÉLOSE => CULTURE LIQUIDE.

C’est la méthode basique pour produire de très grands volumes de mycélium. Un ou plusieurs morceaux de gélose ensemencent un grand volume de culture liquide qui va permettre de produire une seule très grande génération de grain G1, pour ensemencer par la suite directement les substrats de fructification.

Voilà pour les substrats d’expansion, on peut également réaliser des expansions avec des copeaux de bois, de la paille, des toiles végétales, etc..

Avec quoi ensemencer un milieu de fructification ?  

Le milieu de fructification est le milieu final. Celui qui va servir à faire pousser les champignons que nous récolterons par la suite. Alors il y a de très nombreux substrats de fructification possibles. Je vais les diviser seulement en 3 catégories ici pour simplifier mon approche. Les substrats de fructification simples (SFS) à base de paille brute, de sciure brute, etc. Les substrats de fructification nutritifs (SFN) qui sont supplémentés avec des matières plus riches comme le sont les céréales, ou les rafles de maïs, et enfin les substrats de fructification compostés (SFC) type des champignons de couche.

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Ensemencer un substrat de fructification simple

Les substrats de fructification simple sont des substrats qui ne contiennent pas de supplément de nourriture.
Possibilités d’ensemencement d’un substrat de fructification simple

FRUCTIFICATION : GRAIN => SFS.

C’est la méthode la plus courante pour ce type de substrat, notamment pour la culture intérieure. Elle permet d’apporter davantage d’azote au mycélium, et donc d’augmenter les rendements en fructification.

FRUCTIFICATION : SCIURE => SFS.

Ce type d’ensemencement est moins réalisé, mais il permet par exemple de placer une culture en extérieur en diminuant ses chances de contaminations étant donné que l’on utilise ici un substrat semi-sélectif. Par contre, le faible taux d’azote total du SFS fournira des rendements plus faibles.

FRUCTIFICATION : CARTON => SFS.

C’est une autre méthode qui fonctionne bien également pour la culture en extérieur. Pensez toujours à travailler en sandwich pour ensemencer de manière homogène un substrat avec du carton.

FRUCTIFICATION : SFS => SFS.

Attention, c’est une méthode assez dangereuse d’un point de vue de la contamination. Étant donné que les substrats déjà utilisés seront bien plus sensibles à la contamination, vu leurs temps d’exposition à l’atmosphère ambiante.

Milieux de culture : substrat de fructification nutritif

Un substrat de fructification nutritif est un substrat qui dans lequel on augmente la quantité d'azote.
Possibilités d’ensemencement d’un substrat de fructification nutritif

FRUCTIFICATION : GRAIN => SFN.

Comme pour les SFS, on peut ensemencer les SFN avec des grains. Les volumes utilisés peuvent être plus faibles étant noté que ce type de substrat est supplémenté.

FRUCTIFICATION : CULTURE LIQUIDE => SFN.

L’utilisation de culture liquide pour les SFN est possible s’il s’agit d’une culture pour vous-même et non commerciale. En effet, il faudrait des volumes très importants de culture liquide pour ensemencer des substrats de fructification classique. On utilise cependant les cultures liquides pour ensemencer les petits substrats de fructification des cordyceps par exemple.

Ensemencer un substrat de fructification composté

Les substrats compostés contiennent des matières qui on été digérés au préalable par d'autres organismes.
Possibilités d’ensemencement d’un substrat de fructification composté

FRUCTIFICATION : GRAIN => SFC.

C’est la méthode la plus répandue pour la culture du champignon de Paris. On en a fait quelque chose de très efficace avec des ensemencements de substrat avec seulement 1% du volume.

FRUCTIFICATION : SCIURE => SFC.

Alors, c’est une méthode qui fonctionne aussi, mais attention, sa réussite va vraiment dépendre du type de décomposeurs secondaire que vous faites pousser dessus. Par exemple pour le champignon du soleil (Agaricus blazei), la sciure en guise d’ensemencement convient bien, il est même capable de fructifier dessus, sans compost. Pour le champignon de Paris ( Agaricus bisporus ) par contre, je pense que vous n’arriverez même pas à le faire coloniser sur de la sciure, c’est un champignon également décomposeur secondaire, mais qui n’est pas adapté à cette matière !  

Conclusion

Encore une fois, cet article n’est qu’un morceau de tout ce qu’il est possible de faire en myciculture. Soyez inventif et ne vous en tenez pas au contenu que vous venez de lire ! Notamment pour la culture extérieure sur bûches ou avec les bacs de jardinage.

Merci d’avoir lu cet article sur les milieux de culture et leurs ensemencements. N’hésitez pas à nous laisser un commentaire ou bien à le partager s’il vous a aidé ! 🙂

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