L’ensacheuse à substrat : un des appareils les plus productifs en myciculture professionnelle.
J’ai toujours fabriqué mes substrats à champignons. Il y a plusieurs années, dans la cave de mon père, j’avais un bac en plastique d’une vingtaine de litres, que je remplissais de 10 tasses de sciure, récupérée à la scierie du coin, puis de 10 tasses de son de blé, récupéré à un moulin un peu plus loin, et enfin 7 tasses d’eau. Je mélangeais à la main pour produire mon substrat, que j’ensachais toujours à l’aide de ma tasse. Je prenais mon temps, je n’étais pas pressé, environ 1 heure pour 6 ou 7 kg de substrat.
Par la suite, j’ai cultivé en appartement, et j’ai découvert le pellet, qui était plus dense et donc dont les volumes étaient plus faciles à stocker. Mon système était rodé : quelques tasses de pellet, quelques tasses de son, de l’eau, je mélangeais. Cela prenait toujours du temps, environ 1 heure pour 10 à 15 kg de substrat.
Quand j’ai eu ma première petite ferme à champignons, mon objectif était de réaliser 4000€ de CA par mois et donc de produire 200 kg de champignons/mois. En termes de matière brute, cela représente environ 250 à 300 kg selon les espèces produites, et en termes de substrat humide prêt à l’emploi, c’est 400 à 480 kg par mois qu’il faut produire…
Évidemment, un mélangeur ou une bétonnière est très utile pour mélanger plusieurs kilos de substrat, mais on en revient toujours à un goulot d’étranglement lors du remplissage des sacs, même avec une bonne technicité manuelle : environ 1 heure de travail pour 50 sacs de substrat de 5 kg.
Mais au fil de mes divagations fongiques sur Internet, c’est alors que j’ai découvert le système révolutionnaire de l’ensacheuse à substrat, du matériel avec lequel vous pouvez réaliser entre 100 et 250 sacs de 5 kg par heure, en fonction des systèmes utilisés.
C’est un système que vous pouvez acheter, mais qui coûte très cher. Cependant, vous pouvez le fabriquer vous-même. Dans cet article, nous allons voir :
- Le principe de fonctionnement d’une ensacheuse à substrat
- Les deux types d’ensacheuse à substrat
- La cuve à substrat
- Les vannes et le conduit d’alimentation
- Le système pneumatique
- L’apport en eau
Principe de fonctionnement d’une ensacheuse à substrat
Une ensacheuse est composée, dans la partie supérieure, d’une cuve remplie du substrat que vous devez mettre en sac. Le fond de la cuve est relié à un conduit qui permet d’alimenter les sacs. On retrouve deux vannes à guillotine, qui sont des systèmes avec des lames en inox, pouvant ouvrir ou fermer le conduit d’alimentation.
Enfin, l’espace entre les deux vannes détermine le volume de substrat qui alimentera le sac lors de l’ouverture du système.
Le système d’ouverture et de fermeture à 2 positions :
- Position 1 : position par défaut du système. La vanne supérieure est ouverte et la vanne inférieure est fermée. L’espace entre les 2 vannes se remplit de substrat, sans tomber dans le sac.
- Position 2 : le système ferme la vanne supérieure et ouvre la vanne inférieure. Le sac est alors rempli du volume de substrat contenu entre les 2 vannes, tout en évitant que la cuve se vide complètement.
Ce système est très performant avec des substrats sous forme de pellets. Il peut être utilisé avec d’autres mélanges moins denses, comme la sciure ou le son, mais attention : la granulométrie des substrats donne des volumes différents pour un même poids. Il faudra donc régler l’espace entre les vannes en fonction du nouveau substrat pour obtenir le poids attendu dans le sac.
Enfin, l’apport d’eau est réalisé à l’aide d’un débitmètre, qui enverra automatiquement le volume d’eau paramétré au préalable dans le sac pour humidifier le substrat.
Deux types d’ensacheuses à substrat
Il est possible de fabriquer plusieurs modèles d’ensacheuses : un modèle manuel et un modèle semi-automatique. Ce choix doit être fait en fonction de vos moyens financiers, mais surtout des besoins de votre ferme. Il ne faut pas hésiter à investir dans un gain de temps.
Ensacheuse manuelle
L’ensacheuse manuelle est dite « manuelle » parce qu’elle possède des vannes à guillotines manuelles. Ce sont des vannes que vous devez fermer vous-même à l’aide de vos mains. Elles possèdent une poignée que vous tirez ou poussez pour permettre l’ouverture ou la fermeture du conduit d’alimentation.
Ce système est moins cher à mettre en place. Attention cependant, il demande de la force et de l’énergie pour ouvrir et fermer les vannes.
Attention également à bien positionner les vannes sur une structure solide, étant donné qu’elles vont être tirées et poussées physiquement au fil des remplissages des sacs.
De plus, si vous ouvrez les deux vannes en même temps, le canal d’alimentation sera complètement ouvert et la cuve se videra de son substrat.
Ensacheuse semi-automatique
L’ensacheuse de substrat semi-automatique possède des vannes à guillotines pneumatiques. Ce sont des vannes qui s’ouvrent et se ferment grâce à la pression de l’air.
Ce système est plus coûteux à mettre en place, mais il est beaucoup plus simple à actionner grâce à une pédale pneumatique.
La cuve à substrat
La cuve de substrat peut être quelque chose de très simple, comme une cuve en métal ou une cuve en plastique. Prévoyez un volume correspondant à un lot de production, c’est-à-dire, par exemple, 35 sacs de 5 kg remplissant un pasteurisateur de 300 L.
Si vous en avez la possibilité, créez une cuve conique, par exemple en bois. Ce type de forme de cuve a deux avantages :
- Une meilleure évacuation du substrat
Son inclinaison permet au substrat de s’écouler facilement vers le conduit d’alimentation, contrairement aux cuves à fond plat, où une partie du substrat peut rester sur les côtés. - Une meilleure répartition du poids
L’inclinaison permet également une répartition du poids sur les parois inclinées. En effet, dans le cas des cuves entièrement verticales, si le poids du substrat est trop important et que le canal d’alimentation est trop étroit, vous risquez un problème d’écoulement dû à la compaction du substrat vers le fond de la cuve.
Vous avez ensuite deux méthodes pour faciliter la composition du substrat :
- Méthode avec cloison centrale
Elle consiste à installer une cloison centrale dans la cuve. D’un côté, vous remplissez de matière brute et de l’autre, de supplémentation. Ce système permet d’obtenir un mélange 50/50 si la granulométrie et la densité du substrat sont similaires. Vous pouvez également ajouter un deuxième conduit d’alimentation pour obtenir un volume précis de chaque matière.
➜ Avantage : méthode simple demandant peu de manutention et de calcule.
❗ Inconvénient : le pourcentage du mélange est fixe, vous ne pourrez donc pas faire varier les proportions facilement. De plus la cloison doit être bien centré pour obtenir 50/50 dans le mélange. - Méthode avec pré-mélange dans un bétonnière ou un mélangeur
Ici, le mélange sec est réalisé à l’avance dans un mélangeur ou une bétonnière, puis transféré dans la cuve de l’ensacheuse.
➜ Avantage : vous pouvez ajuster les proportions du mélange comme vous le souhaitez.
❗ Inconvénient : plus de manutention est nécessaire pour vider la bétonnière et remplir l’ensacheuse.
L’idéal serait d’intégrer directement le système de mélange dans la cuve de l’ensacheuse.
Les vannes et le conduit d’alimentation
Vous avez donc la possibilité de choisir des vannes manuelles ou des vannes pneumatiques. Dans tous les cas, le diamètre du tuyau doit correspondre au diamètre des vannes.
Choisissez au minimum des vannes de 90 mm de diamètre pour être sûr que votre pellet n’obstruera pas le conduit d’alimentation. Si vous souhaitez expérimenter d’autres matières que le pellet, je vous conseille d’opter pour au moins 110 mm de diamètre pour les vannes et le conduit d’alimentation.
Vous pouvez facilement réaliser le conduit d’alimentation en PVC, que vous pouvez coller au niveau des vannes. Le volume du tuyau entre les deux vannes PVC représente la quantité de matière sèche que vous apportez dans votre sac de substrat.
Il est possible de créer un système modulaire permettant d’interchanger différentes tailles de manchons entre les deux vannes, par exemple si la granulométrie du substrat varie.
En bas du conduit d’alimentation, vous pouvez positionner un plateau pour poser le sac pendant le remplissage de substrat et d’eau. Cela permet d’éviter de le tenir à bout de bras.
Positionnez la hauteur de votre système en fonction de votre posture de travail. Si vous travaillez debout ou assis, la position du conduit d’alimentation ne sera pas la même. Placez également ce conduit en bordure de la cuve plutôt qu’en son centre afin de faciliter l’accessibilité.
Le système pneumatique
Le système pneumatique permet l’ouverture et la fermeture des vannes pneumatiques. Vous n’avez pas besoin de ce système si vous utilisez des vannes manuelles.
La pression naît au niveau d’un compresseur d’air, qui alimente une pédale. Cette pédale alimente deux réseaux pneumatiques :
- Réseau numéro 1 (sous pression)
- Tire le piston de la vanne à guillotine supérieure (ce qui l’ouvre).
- Pousse le piston de la vanne inférieure (ce qui la ferme).
- Réseau numéro 2 (activé lorsque le premier est relâché)
- Pousse le piston de la vanne supérieure (ce qui la referme).
- Tire le piston de la vanne inférieure (ce qui l’ouvre).
En appuyant sur la pédale, vous faites simplement basculer la pression du réseau 1 au réseau 2, et inversement.
Les vannes pneumatiques ont une pression de fonctionnement minimale et maximal, choississez donc un compresseur avec la bonne pression de travail.
L’apport en eau
L’apport en eau se fait simplement à l’aide d’un débitmètre, qui peut être manuel. Cependant, je vous conseille fortement d’opter pour un débitmètre automatique et réglable. Cela vous permettra d’ajouter précisément la quantité d’eau dans votre sac de substrat.
Pour le régler, il suffit :
- D’entrer une valeur en litres.
- De remplir un sac.
- De peser le sac.
- D’ajuster la valeur en litres jusqu’à obtenir précisément la quantité d’eau souhaitée dans chaque substrat.
En fait, ce réglage est essentiel car il y a toujours un léger décalage entre le paramétrage et le volume d’eau réellement fourni.
Il est également possible de créer un réservoir, comme une chasse d’eau qui se remplit automatiquement une fois vidée. Cela permet de gagner encore plus de temps entre chaque sac.
Il est même possible de lier le système de déclenchement électronique de l’apport en eau au système pneumatique d’apport en substrat, afin de remplir un sac d’eau et de substrat d’un seul coup de pédale.
Merci d’avoir lu cet article sur la conception d’une ensacheuse de substrat DIY. Si vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à nous laisser un commentaire :).
FAQ – Ensacheuse à substrat DIY
1. Pourquoi investir dans une ensacheuse à substrat plutôt que continuer à ensacher à la main ?
L’ensachage manuel devient rapidement un goulot d’étranglement en myciculture professionnelle. Une ensacheuse permet de multiplier par 5 à 10 votre productivité, en passant de 50 sacs/h à jusqu’à 250 sacs/h. Elle est donc essentielle dès que vous dépassez quelques dizaines de kilos de substrat par semaine.
2. Quel type d’ensacheuse dois-je construire en priorité : manuelle ou semi-automatique ?
Tout dépend de votre budget et de vos besoins.
- La manuelle est économique, mais physique et plus lente.
- La semi-automatique, avec des vannes pneumatiques et une pédale, est plus rapide, plus ergonomique et idéale pour un usage intensif.
Si vous prévoyez une montée en charge rapide, la version pneumatique est un meilleur investissement à long terme.
3. Quels substrats fonctionnent le mieux avec une ensacheuse ?
Le système est idéal pour les substrats en pellets, grâce à leur densité et leur fluidité. Mais il peut aussi fonctionner avec de la sciure, du son ou des mélanges plus légers, à condition de régler le volume entre les vannes pour garantir un poids précis par sac.
4. Comment régler précisément l’humidité du substrat avec une ensacheuse ?
Grâce à un débitmètre réglable, manuel ou automatique. Il suffit de :
- Entrer un volume d’eau.
- Remplir un sac.
- Le peser.
- Ajuster jusqu’à ce que le substrat atteigne l’humidité désirée.
C’est une étape clé pour éviter les contaminations et optimiser la fructification.
5. Puis-je intégrer un système de mélange directement dans l’ensacheuse ?
Oui, c’est l’option idéale. Elle demande plus de conception, mais permet de gagner du temps et d’éviter les transferts manuels. Sinon, un pré-mélange dans une bétonnière fonctionne très bien. Le choix dépendra de votre volume de production et de votre espace de travail.