Pourquoi avoir un petit laboratoire pour cultiver ses champignons ? [5,5 raisons]

Tous les myciculteurs qui se prennent au jeu de la culture des champignons ne devraient pas monter leur laboratoire pour cultiver leurs champignons. Et je vais vous expliquer pourquoi dans cet article, au travers de 5,5 raisons qui vous permettront de juger vous-mĆŖme de vos besoins sur la base de mes modestes expĆ©riences et rĆ©flexions.

(La derniĆØre raison est Ć  la fois vraie et fausse selon votre point de vue, voilĆ  pourquoi elle compte pour une demi-raison.)

Raison 1 : PossĆ©der un environnement plus stĆ©rile

J’ai commencĆ© Ć  rĆ©aliser des gĆ©loses, des cultures liquides et autres milieux de sĆ©lections avant mĆŖme d’avoir mon petit laboratoire pour cultiver mes champignons. ƀ l’époque, j’utilisais un bec Bunsen, ce qui est trĆØs pratique pour commencer, mais j’ai vite trouvĆ© des limites Ć  mes ambitions.

La culture sous condition stƩrile est facilitƩ par l'acquisition d'un petit laboratoire.
Un environnement stƩrile, devant une hotte Ơ flux laminaire pour la culture des champignon

En effet, les contaminations restaient prƩsentes sur certains de mes milieux, je devais donc en produire un peu plus Ơ chacun fois pour compenser les contaminations qui apparaissait ponctuellement.

Encore pires, les milieux qui semblaient ĆŖtre produits proprement contaminaient le haut de ma chaine de production parce que je n’avais pas pu vĆ©rifier leur puretĆ©, et que je me fiais uniquement Ć  mon instant. Par exemple lorsque vous utilisez une culture liquide, il est bon de vĆ©rifier sa puretĆ© sur une gĆ©lose avant de l’utiliser. Et je ne pouvais pas proprement rĆ©aliser cette manipulation Ć  l’aide de mon seul bec Bunsen.

Ɖtant dans une dĆ©marche d’amĆ©lioration de mes techniques de myciculture, j’ai dĆ©cidĆ© de me construire une hotte Ć  flux laminaire. C’est en faite un appareillage qui permet de souffler de l’air stĆ©rile dans mon espace de travail. J’en ai construit une grande de 120 x 60 cm, mais il est Ć©galement possible d’en construire des plus petites en fonction de vos besoins, par exemple de 60 x 30 cm.

AprĆØs la construction de cet appareillage, le taux de mes contaminations a subitement chutĆ©. Mes milieux fongiques n’étaient quasiment plus pris Ć  partie par des contaminations. Il faut savoir que l’air est l’un des premiers vecteurs dans la contamination des milieux de culture, une hotte Ć  flux laminaire permet de vraiment s’en prĆ©munir.

En rĆ©alitĆ©, j’avais tout simplement construit la premiĆØre pierre de l’édifice de mon futur petit laboratoire de culture de champignons. En effet, un environnement vĆ©ritablement stĆ©rile offre un trĆØs fort potentiel pour rĆ©aliser facilement de nouvelles techniques avancĆ©es qu’aucun autre environnement ne permet. Notamment par rapport Ć  la prĆ©servation de vos espĆØces de champignons.

Raison 2 : Conserver ces souches de champignons indƩfiniment

Lorsque l’on dĆ©bute, on utilise souvent des souches de champignons Ć  partir de mycĆ©lium sur grain, et l’on peut en effet, produire plusieurs gĆ©nĆ©rations. Pour ma part, une fois que j’avais achetĆ© du mycĆ©lium sur grain, je produisais d’autres mycĆ©liums avec la classique technique de transfert de grain Ć  grain. Cela me permettait d’avoir jusqu’à 4Ā gĆ©nĆ©rations de champignons avec un seul sac de mycĆ©lium.

Les myciculteurs qui ont lu cet article ont aussi lu  Le rapport carbone azote en culture de champignons
Une mycothèqye est facile à constituer grâce à un petit laboratoire.
Une petite mycothĆØque permettant de sauvegarder ces souches

Mais vient le moment où, le mycĆ©lium Ć  tellement transiter de conteneur en conteneur, qu’il peut avoir accumulĆ© des contaminations latentes de l’air (si le travail est fait en condition non stĆ©rile) et puis celles-ci explosent toutes en mĆŖme temps dans la derniĆØre gĆ©nĆ©ration, ne laissant plus aucune trace de mycĆ©lium viable ni pour la culture ni pour la crĆ©ation de mycĆ©lium sur grain.

Alors comme vous vous en doutez, en condition stĆ©rile, ce processus est amĆ©liorĆ© et l’on peut aller jusqu’à 10 gĆ©nĆ©rations sur grain. Mais ici, survient un autre problĆØme, c’est la sĆ©nescence. Ce phĆ©nomĆØne de vielleise est caractĆ©risĆ© par la perte de caractĆØre de la souche qui se fait naturellement lorsqu’elle vieillit.

Les techniques de laboratoire avancĆ©es, comme la culture en tube penchĆ©, permettent de supprimer la sĆ©nescence grĆ¢ce Ć  la crĆ©ation de ce que l’on appelle des mycothĆØques. Ce sont en faite des bibliothĆØques fongiques qui contiennent vos souches de champignons.

En conservant la gƩnƩration la plus propre gƩnƩtiquement de la souche que vous voulez conserver pour son gout, son rendement ou toutes autres caractƩristiques plaisantes, vous pouvez piocher dans ce rƩservoir gƩnƩtique Ơ chaque fois que vous avez besoin de mettre un champignon en culture.

Aujourd’hui, j’ai donc tout ce qu’il faut pour cultiver tout au long de l’annĆ©e et pour relancer rapidement une culture lors d’une Ć©ventuelle contamination. Et ces souches, je peux en conserver des dizaines, dans un tout petit espace de mon frigo, cela durant au moins une dizaine d’annĆ©es et sans dĆ©bourser 1 centime en achat de mycĆ©lium.

Raison 3 : Ne plus acheter de mycƩlium

Quand on commence la culture des champignons, il est normal d’acheter le mycĆ©lium dont on a besoin pour mener Ć  bien ses premiĆØres cultures, ses premiĆØres expĆ©riences.

un petit laboratoire pour cultiver ses champignons est bien utile pour se lancer dans la production de mycƩlium.
Du mycƩlium sur grain produit dans un petit laboratoire

Mais quand la taille et l’amplitude des projets augmentent, le budget mycĆ©lium augmente aussi. Quand j’en ai eu marre de dĆ©penser des centaines d’euros en grain, j’ai transitĆ© pour des milieux de culture, plus spĆ©ciaux, plus petits, et donc moins cher Ć  l’achat comme les cultures liquides, facile Ć  utiliser en environnement stĆ©rile.

Avec ce type de milieu, il est facile de dupliquer le mycélium en multipliant la culture liquide mère, en nombreuses cultures liquides filles ou bien en faisant soit même du grain à moindre coup.

Un des autres avantages proposĆ©s par la stĆ©rilitĆ© d’un petit laboratoire pour cultiver ses champignons, c’est la possibilitĆ© de cloner n’importe quels espĆØces sur des milieux dits gĆ©losĆ©s. ƀ partir d’un champignon provenant de votre culture, ou bien du supermarchĆ©, vous pouvez en isoler facilement une culture sur un milieu gĆ©lose.

Les processus de culture que je rĆ©alise dans mon laboratoire me donnent alors une grande autonomie vis-Ć -vis du producteur de mycĆ©lium et surtout un gain d’argent considĆ©rable. Aujourd’hui, quand j’achĆØte une souche, je l’achĆØte dĆ©finitivement 1 seule fois, que ce soit une sauvage commerciale ou en supermarchĆ©.

Mais il existe d’autres types de champignons que l’on peut obtenir dans sa mycothĆØque, grĆ¢ce Ć  un petit laboratoire.

Raison 4 : RƩcolter des souches sauvages

Je suis inscrit depuis environ 2Ā ans dans une association de mycologie où j’apprends beaucoup sur l’identification des variĆ©tĆ©s de champignons sauvages.

Les myciculteurs qui ont lu cet article ont aussi lu  Utiliser du conifĆØre comme substrat pour la culture des champignons?

Lors d’une de nos sorties en pleine nature, je suis tombĆ© nĆ©e Ć  nĆ©e avec un Pleurotus ostreatus, que l’on appelle communĆ©ment le Pleurote en huĆ®tre, un champignon trĆØs commun en myciculture. Mais… ! Ce pleurote en huĆ®tre avait quelque chose d’unique ; il se dĆ©veloppait sur un vieux tronc de douglas.

Les champignons sauvage peuvent être récupérés et cloner grâce à un petit laboratoire de myciculture.
Un jolie Pleurotus ostreatus sauvage

Tout l’intĆ©rĆŖt de ce champignon rĆ©sidait lĆ , Ć©tant donnĆ© que l’on trouve beaucoup de sciure de douglas en scierie, mais que les pleurotes commerciaux ne s’y dĆ©veloppent pas dessus.

J’ai donc rĆ©cupĆ©rĆ© un morceau de ce champignon pour le ramener chez moi. ƀ l’époque, je n’avais pas mon petit laboratoire. J’ai donc tentĆ© un clonage du champignon sur carton humide, en espĆ©rant que le mycĆ©lium prenne racine. En effet, le mycĆ©lium a pris racine, mais l’état de vieillesse avancĆ© du sporophore rĆ©colter Ć  amener avec lui de nombreux contaminants qui ont finis par tuer le mycĆ©lium impur.

J’ai bien sĆ»r essayĆ© d’en sauvegarder une partie dans du grain, mais un trichoderma mycophage a finalement eu raison de lui…

Vous vous en doutez Ć  cette Ć©poque j’aurais pu sauver le mycĆ©lium si j’avais eu mon petit laboratoire sous la main. Et je n’aurais eu pas une, mais deux maniĆØres de le sauver.

La premiĆØre en isolant un morceau sur une gĆ©lose où j’aurais pu observer de maniĆØre prĆ©coce les contaminants et la deuxiĆØme en sauvegardant une empreinte de spore pour tenter de multiples germinations de sa descendance.

ƀ l’heure actuelle, je n’ai pas rencontrĆ© de nouveau un pleurote qui pousse sur douglas, mais je me balade de temps en temps dans le mĆŖme coin de forĆŖt, et surtout, je suis en capacitĆ© d’accueillir et rĆ©colter une future belle souche sauvage unique. Il ne faut pas oublier que ces souches ont un trĆØs bel intĆ©rĆŖt adaptatif si elles sont rĆ©coltĆ©es rĆ©gionalement.

Raison 5 : Adapter ces souches Ơ son itinƩraire technique

Les champignons que l’on achĆØte commercialement sont, par dĆ©finition, adaptĆ©s Ć  l’itinĆ©raire de culture d’un producteur. Il les sĆ©lectionne et les commercialise Ć  travers un processus qui lui est propre.

Par exemple, gĆ©lose MEA, ensuite culture liquide 4% de malt, puis graine de seigle et enfin sciure de hĆŖtre supplĆ©mentĆ© avec du son d’avoine.

Un petit laboratoire pour cultiver ses champignons permet de gƩnƩrer des itinƩraires culturaux spƩcifiques en fonction de nos besoins.
Un itinéraire technique adapté pour une souche de champignon réalisé simplement grâce à ce petit laboratoire.

Lorsque j’achetais mes souches Ć  un producteur X ou Y, les champignons que je cultivais, passaient par mon itinĆ©raire personnel, par exemple sur sciure de chĆŖne, et de ce fait, il n’était pas spĆ©cifiquement adaptĆ© Ć  mon substrat.

Le travail de sĆ©lection en termes d’efficacitĆ©, de rendement, et pour toutes les autres caractĆ©ristiques sĆ©lectionnĆ©s par le producteur, n’est vraiment efficaces que sur leurs itinĆ©raires techniques prĆ©cis. C’est d’ailleurs pour Ƨa qu’il commence Ć  exister des shiitakĆ©s pour paille et des shiitakĆ©s pour la culture sur sciure.

AprĆØs vous avez la possibilitĆ© de produire des champignons selon les mĆŖmes itinĆ©raires techniques que vos producteurs de mycĆ©lium, ou bien vous avez la possibilitĆ© d’adapter les souches Ć  vos propres itinĆ©raires techniques.

Pour cela, le laboratoire d’un myciculteur aide en deux choses. Tous d’abord, il permet de cloner les meilleures fructifications de champignons, vous pouvez ainsi rĆ©cupĆ©rer la gĆ©nĆ©tique d’un champignon prĆ©coce ou plus gros que les autres. C’est ici une reproduction asexuĆ©e.

Les myciculteurs qui ont lu cet article ont aussi lu  L'histoire fascinante de la mycologie Ć  travers les Ć¢ges

La deuxiĆØme possibilitĆ©, c’est de rĆ©cupĆ©rer les spores de vos meilleurs champignons. Ici, on va ĆŖtre dans une dĆ©marche d’adaptation, par crĆ©ation de souches. Les souches gĆ©nĆ©rĆ©es Ć  partir de spores vont diverger des parents selon de multiples critĆØres. Durant le processus cultural, vos nouvelles souches doivent ĆŖtre testĆ©es, pour voir, lesquels sont plus performants que les parents selon les critĆØres que vous souhaitez sĆ©lectionner, par exemple la vitesse de croissance. C’est ici une reproduction sexuĆ©e.

Depuis que j’adapte vraiment mes souches Ć  mes itinĆ©raires de culture, elles sont plus rapides et plus productives au fils des annĆ©es.

Raison 5,5 : Se professionnaliser avec un laboratoire pour cultiver les champignons

La derniĆØre raison dont je voulais vous parler, elle est trĆØs personnelle, voila pourquoi je la considĆØre comme une demi-raison.

Vous allez me dire que, pour se professionnaliser, et vous aurez raison, pas besoin d’avoir un petit laboratoire pour cultiver ses champignons.

La professionnalisation est aidƩe avec un petit laboratoire pour vraiment produire des souches de terroirs.
Des pleurotes gris produits professionnellement

En effet, dans la myciculture, il existe 3 mƩtiers :

  • Le producteur de champignons qui va rĆ©colter et vendre ces champignons.
  • Le producteur de substrat qui va produire et vendre divers substrats de fructification.
  • Et enfin, le producteur de mycĆ©lium, qui va choisir et sĆ©lectionner des souches pour diverses utilisations.

On peut en effet gagner sa vie simplement en mettant de gros volumes de substrat, issue des producteurs, en fructification et en vendant les champignons qui en sortent. Cela fonctionne trĆØs bien et je n’ai pas de jugement sur ce fonctionnement.

Mais, dans ma philosophie culturale, j’accorde une grande valeur Ć  ce que l’on appelle le terroir. Le terroir, Ƨa va ĆŖtre toutes les variations du type de sol, de climat, d’écosystĆØme, de bois, et de variĆ©tĆ© cultivĆ©e, qui donne Ć  un aliment sa saveur et sa valeur locale.

Par exemple en viticulture, on plante un type de vigne, sur un sol qui lui est adaptĆ© pour en tirer le meilleur vin possible. Le terroir pour les champignons, c’est leur substrat de culture avec les bons nutriments, les paramĆØtres de culture et la capacitĆ© gĆ©nĆ©tique du mycĆ©lium, , donc son adaptation au condition, qui lui permet de transformer tous Ƨa en un fruit fongique de trĆØs bonne qualitĆ©.

C’est sur ce point que la sĆ©lection pour l’adaptation des champignons Ć  leur substrat est importante pour moi. ƀ prĆ©sent, j’ai tout ce qu’il faut grĆ¢ce Ć  l’environnement de travail que me propose mon petit laboratoire, pour faire pousser mes champignons comestibles et mĆ©dicinaux de faƧon professionnel.

Merci d’avoir lu cet article concernant les 5,5 raisons de monter un petit laboratoire pour cultiver ces champignons. Si vous avez une remarque ou une question, n’hĆ©sitez pas Ć  nous laisser un commentaire :).

Si vous avez aprécié mon article vous êtes libre de le partager!

Laisser un commentaire