L’oreille de Judas est très utilisĂ©e dans la cuisine asiatique. En effet, Auricularia auricula judae, de son nom scientifique, a conquis le palais des mycophages d’Asie depuis des centaines d’annĂ©es. Cet excellent champignon comestible a un aspect gĂ©latineux et noir lorsqu’il est sĂ©chĂ© et se rĂ©hydrate facilement. Dans cet article, je vous parle de son Ă©cologie, de ses bienfaits mĂ©dicinaux, de la manière dont on peut la cuisiner. Je vous explique ensuite comment cultiver l’oreille de Judas en intĂ©rieur et en extĂ©rieur. En fin d’article, vous pouvez retrouver un tableau des paramètres de culture de l’oreille de Judas.
Description de l’oreille de Judas
L’oreille de Judas Ă une forme de coupe, parfois lobĂ©e et une apparence gĂ©latineuse. Son nom provient simplement du fait qu’elle possède une forme d’oreille. Sa surface est souvent, ridĂ©e au centre et recourbĂ©e vers l’extĂ©rieur.
Ses couleurs vont du grisâtre, violacĂ© clair quand ce champignon est jeune, jusqu’au marron sombre en vieillissant. Son diamètre varie de 2 Ă environ 15cm.
Les fructifications sont recouvertes d’une fine matrice de poils duveteux.
Le mycĂ©lium est longitudinal et fin. Devenant cotonneux avec l’âge, d’une couleur blanc mate. Il offre une odeur peu agrĂ©able, plutĂ´t musquĂ©e, ressemblant Ă du compost non mature. Des dĂ©colorations mĂ©taboliques de marron Ă jaune peuvent apparaitre lorsque le substrat est sur-colonisĂ©.
Les spores sont blanches, d’aspect translucide. En fonction des espèces, on observe des spores aux formes cylindriques, mais Ă©galement des formes de saucisses.
Écologie de l’oreille de Judas
L’oreille de Judas prospère principalement dans les forĂŞts des zones tempĂ©rĂ©es du monde. Elle poussent sur des conifères, mais surtout sur des arbres feuillus comme le chĂŞne, le saule, l’acacia et le murier platane. C’est donc un champignon dĂ©composeur primaire, on le retrouve donc principalement sur le tronc et les souches des arbres. Tradd Cotter, cĂ©lèbre mycologue, rapporte avoir pu observer le genre Auricularia sur des manguiers, en HaĂŻti, ainsi que sur des figuiers Ă TaĂŻwan.
A. auricula judae peut également vivre sur des sols riches en matière organique non décomposée.
On la voit fructifier durant les pĂ©riodes relativement froides et humides, d’Octobre Ă Mars. L’altitude ne pose pas de problème Ă l’oreille du diable, on la retrouve sous les niveaux de la mer, jusqu’aux derniers conifères des montagnes.
On pourrait croire que le genre Auricularia fait partie des Ascomycètes, mais il n’en est rien. Ce champignon ressemble au genre Peziza, mais les spores ne sont pas contenus dans un asque, mais sur un baside. L’oreille de Judas appartient au Basidiomycète.
Souches
Il existe dans le monde plusieurs espèces appartenant au Genre Auricularia. La plupart sont facilement cultivables, et sont stockées dans les bibliothèques de culture un peu partout dans le monde. Voici les trois plus connues.
La première est A. auricula judae, l’oreille de Judas que l’on connait. On la retrouve nativement en Europe, ainsi qu’en export, en Asie. Elle aime fructifier sous des tempĂ©ratures relativement froides, entre 10 et 15°C. Elle est moins brune et plus petite que les deux autres espèces. Les poils qui la recouvrent sont fin et doux. Ils mesurent environ 100 x 6 ÎĽm.
La deuxième espèce est A. polytricha, l’oreille de bois. Elle est plus grosse et rugueuse que A. auricula. On la retrouve nativement dans les zones tropicales. Notamment en Asie, en Louisiane, au Mexique et en Argentine. Elle prospère dans des climats supĂ©rieurs Ă 20°C. Microscopiquement, elle peut ĂŞtre diffĂ©renciĂ©e avec ses poils, grossiers qui mesurent 450 x 6 ÎĽm environ.
La troisième est A. fuscosuccinea, qui est l’espèce la plus commune au Sud-Est des États-Unis. Sa couleur est rose Ă brun.
Les trois espèces sont en rĂ©alitĂ© difficiles Ă diffĂ©rencier visuellement, et les myciculteurs amateurs font souvent la confusion. Seule une comparaison ADN peut rĂ©vĂ©ler si nous sommes en prĂ©sence d’une espèces ou de l’autre. On peut cependant observer une diffĂ©rence au niveau des spores, les spores de A. auricula Ă©tant liĂ©s par une connexion.
Histoire
Les première Ă©critures dĂ©crivant la culture de l’oreille de Judas remonte Ă -600 avant J.C. Ceci en fait un des premiers champignons cultivĂ©s par l’homme avec le shiitakĂ©, la pleurote et le rĂ©ishi.
Une lĂ©gende ( forestière) raconte l’oreille de Judas porte ce nom, car, Judas, après avoir trahi JĂ©sus, se serait pendu Ă un sureau envahit par ce champignon.
Le commerce Ă©tendu de l’oreille de Judas a commencĂ© dans les annĂ©es 1800, lorsque la Chine a exportĂ© ces champignons en Nouvelle-ZĂ©lande, puis en AmĂ©rique. Aujourd’hui en Europe, elle reste un champignon peu populaire et les gens parlent de « champignon noir » lorsqu’il la voit en soupe dans des restaurants asiatiques.
Cuisine
En cuisine, l’oreille de Judas n’est pas un champignon spĂ©cialement savoureux, mais il peut se sĂ©cher et se conserver ainsi durant plusieurs annĂ©es. Sec, le champignon devient noir et voit sa taille diminuer de plus de moitiĂ©, malgrĂ© ses 10% de protĂ©ines, celui-ci Ă©tant constituĂ© de 90% d’eau. Mais il retrouve rapidement sa forme d’origine lorsqu’il se rĂ©hydrate au contact de l’eau.
Conférant une texture unique, et plaisante durant les repas, ce champignon est une pièce centrale de la cuisine asiatique, il possède une grande renommée. Il offre une autre expérience culinaire que les autres champignons, celle-ci ne passant pas directement par son goût.
On l’utilise donc pour embellir et Ă©paissir les soupes et les sauces. En effet si on le rĂ©hydrate directement dans les bouillons que nous concoctons, l’oreille de judas en absorbe les saveurs.
Attention, ce champignon est lĂ©gèrement toxique lorsqu’il est consommĂ© cru.
MĂ©decine avec Auricularia auricula-judae
Le professeur Ying rapporte en 1987 un effet d’Ă©limination de 80 Ă 90% contre les carcinomes et les sarcomes dans une Ă©tude menĂ©e en Chine.
On raconte qu’un hĂ©matologiste de l’universitĂ© du Minnesota a rĂ©alisĂ© un test sanguin sur lui-mĂŞme, et il n’observa pas la coagulation naturelle attendu, il aurait mangĂ© de l’oreille de Judas en grande quantitĂ©, la veille. Ensuite, durant les annĂ©es 1970, un restaurant asiatique proposant des oreilles de Judas a vu apparaitre des tâches hĂ©morragiques sur le visage de clients rĂ©guliers..
Aujourd’hui on appelle ce symptĂ´me l’effet « Szchwan Purpure » en hommage au restaurant qui proposait ces champignons crus en salade. Ces observations ont permis de crĂ©er un nouveau anticoagulant en mĂ©decine dans les annĂ©es qui suivirent.
De nos jours, Ă©normĂ©ment de vertus mĂ©dicinales de l’oreille de Judas ont vu le jour, notamment ses effets anti-tumeurs, anticholestĂ©rol et antioxydant entre autres.
Voici une Ă©tude de Agnieszka SÄ™kara en 2021 qui synthĂ©tise toutes les recherches mĂ©dicinales et diĂ©tĂ©tiques rĂ©alisĂ©es sur l’oreille de Judas Ă ce jour.
La culture de l’oreille de Judas
Comme le shiitakĂ©, elle peut ĂŞtre cultivĂ©e sur rondin de bois ou sciure supplĂ©mentĂ©e et stĂ©rilisĂ©e. L’oreille de Judas est cependant moins capricieuse que le shiitakĂ©.
Cultiver l’oreille de Judas en extĂ©rieur
En extĂ©rieur on le cultive naturellement sur rondins de bois. Des bĂ»ches d’un diamètre de 12 Ă 30 cm et d’une longueur de 90 cm Ă 1m20 conviennent. Le bois devrait ĂŞtre prĂ©levĂ© vers la fin de l’automne au dĂ©but de l’hiver.
On peut classiquement ensemencer les rondins avec du mycĂ©lium sur sciure ou sur chevilles de bois. Le bois doit avoir moins d’un mois après la coupe pour Ă©viter les champignons parasites qui pourraient s’installer avant la culture d’oreille de Judas.
La fructification de A. auriculae judae est initiĂ©e lorsque les tempĂ©ratures redescendent. Elle peut Ă©galement ĂŞtre avancĂ©e en trempant le rondin dans de l’eau durant 24h. IdĂ©alement, celui-ci doit contenir entre 50 et 80% d’eau.
Les souches tropicales A. polytricha et A. fuscosuccinea peuvent ĂŞtre utilisĂ©es durant les pĂ©riodes de l’annĂ©e plus chaude. ( entre 16 et 27°C)
Les souches d’arbres fraichement coupĂ©es constituent Ă©galement un bon substrat Ă utiliser avec des chevilles de bois.
La colonisation durera entre 10 Ă 14 mois en fonction des souches et du climat.
Les insectes raffolent de l’oreille de judas. Il est donc recommandĂ© d’utiliser des protections contre ces derniers. Le rendement sur bĂ»che a une E.B. d’environ 20% du poids, sur 3 Ă 5 ans.
Cultiver l’oreille de Judas en intĂ©rieur
Substrat d’isolement
Du mycĂ©lium sauvage peut ĂŞtre rĂ©cupĂ©rĂ© en enlevant un morceau d’Ă©corce, Ă l’endroit oĂą le champignon Ă pousser. Du carton peut y ĂŞtre placĂ© et l’Ă©corce refermĂ©e dessus. Quelques jours après du mycĂ©lium sur carton pourra ĂŞtre rĂ©cupĂ©rĂ©.
Je vous propose cette technique car le clonage de champignon gélatineux fonctionne très mal. Le mycélium peut être ensuite isolé sur une gélose avec un antibiotique sélectif.
Il est possible de rĂ©aliser une emprunte de spore et de les faire germer sur une gĂ©lose pour crĂ©er un nouvel organisme. On peut utiliser des gĂ©loses d’agar du type MYA, MYPA, PDA, PDYA et DFA.
Les cultures liquides fonctionnent aussi pour ensemencer les substrats de colonisation.
Substrat de colonisation
Le substrat de colonisation est gĂ©nĂ©ralement du grain pour crĂ©er plusieurs gĂ©nĂ©rations. Le millet, l’avoine, le blĂ©, le sorgho supportent la formation d’un mycĂ©lium vigoureux et luxuriant.
Substrat de fructification
La sciure de bois dur fonctionne bien pour cultiver l’oreille de Judas. Globalement les substrats types du shiitakĂ©s sont adaptĂ©s Ă sa culture. Ils donnent un meilleur rendement lorsqu’elle est supplĂ©mentĂ©e avec du son de riz ou de blĂ©. Mention pour la sciure d’Acacia qui a un pH entre 6,5 et 7, particulièrement adaptĂ© Ă l’oreille de Judas.
Contenant de culture
Les sacs en polypropylène et les bouteilles sont adaptĂ©s Ă la culture d’A. auricula judae.
Sur les sacs, la technique consiste à percer entre 10 et 20 petits trous de manière à localiser la formation de primordias.
RĂ©colte et rendement
Le rendement potentiel de l’oreille de Judas est d’environ 500g Ă plus d’1kg pour 5 kg de sciure humide. On peut obtenir 2 flushs. Le potentiel de la troisième sera dĂ©terminĂ© par la quantitĂ© d’eau restante dans le substrat. Si celle-ci est infĂ©rieure Ă 50%, elle n’aura pas lieu.
La rĂ©colte s’effectue rapidement et efficacement, Ă travers les trous d’un sac en plastiques. Les fruits sont propres de tout rĂ©sidu de sciure.
La plupart des oreilles de Judas sont vendus séchées, pour être réhydratées plus tard. On peut les conserver durant 3 à 4 semaines au frigo entre 3 et 6°C.
Synthèse des paramètres de culture de l’oreille de Judas
Paramètres d’incubation de l’oreille de Judas
Température d’incubation | 21°C |
Humidité relative | 90 à 95% |
Durée d’incubation | 25 à 40 jours |
Concentration de C02 | >5000 Ă 20000ppm |
Échange d’air frais | 0-1 volume/h |
Besoin en lumière | n/a |
Paramètres d’initiation des primordias de l’oreille de Judas
Température d’initiation | 10 à 14°C |
Humidité relative | 95 à 100% |
Durée d’initiation | 5 à 10 jours |
Concentration de C02 | 600 Ă 1000ppm |
Échange d’air frais | 5 à 8 volume/h |
Besoin en lumière | 500 à 1000lux |
Paramètres de fructification de l’oreille de Judas
Température de fructification | 12-16°C°C |
Humidité relative | 85 à 90% |
Durée de fructification | 5 à 7 jours |
Concentration de C02 | <2000 Ă 5000ppm |
Échange d’air frais | 4 à 5 volume/h |
Besoin en lumière | 500 à 1000lux |
Nombre de récolte | 2 à 3 récoltes à 3-5 semaine d’intervalle |
Si vous avez des questions pour mieux cultiver l’oreille de Judas, n’hĂ©sitez pas Ă nous laisser un commentaire ! 🙂
Merci pour l’article sur l’oreille de Judas,les vidĂ©os seront les bienvenues, nous attendons vos recherches sur les champignons Africains
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