Organiser sa production en myciculture : Faites mieux que 99% de vos concurrents.

Il y a quelque temps, j’ai été contacté par deux myciculteurs qui cherchaient à optimiser leur méthode de production, notamment pour accélérer la fabrication de mycélium sur grain. Leur ferme tournait bien : 1,2 tonne de champignons par mois, répartie sur cinq espèces différentes. Avec un espace de fructification de 250 m², cela représentait une production d’environ 4,8 kg/m². Un bon rendement, à première vue.

Quelques mois plus tard, j’ai rencontré un autre myciculteur. Il m’a confié que sa ferme était très petite, mais qu’il arrivait tout de même à produire 230 kg de champignons par mois. Comparé à la première ferme, cela semblait peu… Jusqu’à ce que je lui demande la taille de son espace de fructification. Il cultivait sur seulement 25 m².

Un rapide calcul : 9,2 kg/m², soit presque le double du rendement de la première ferme. Intrigué, je lui ai demandé quel était son secret.

Il m’a simplement répondu : « L’organisation. »

Dans cet article, je vous livre les secrets pour faire mieux que 99% de vos concurrents.

1. Pourquoi une bonne organisation est essentiel ?

L’organisation est l’une des compétences les plus cruciales pour assurer le succès de votre ferme de champignons.

Tout d’abord, une bonne organisation vous permet d’optimiser votre rendement et votre rentabilité. En structurant efficacement votre production, vous pourrez produire davantage, tout en utilisant les mêmes espaces et équipements.

Ensuite, l’organisation vous aide à mieux gérer vos deux ressources les plus précieuses en tant que myciculteur : votre temps et votre énergie. En regroupant vos tâches, en les planifiant intelligemment et en réduisant les pertes de temps inutiles, vous pourrez travailler plus efficacement et avec moins de stress. Savoir précisément ce que vous avez à faire chaque jour vous permet de vous concentrer sur l’essentiel, plutôt que de perdre du temps à improviser.

Bien entendu, en agriculture, il y a toujours une part d’imprévu. Les champignons restent des êtres vivants, et des ajustements seront parfois nécessaires. Cependant, une organisation bien rodée vous aidera à minimiser les pertes et à mieux anticiper les aléas fongiques.

2. Standardiser la production : Choix des unités de référence

Pour simplifier et améliorer vos processus de production, il est essentiel de définir des unités de référence adaptées à votre ferme.

Vous appliquez peut-être déjà ce principe sans y penser, notamment avec vos substrats de fructification : vous utilisez toujours des sacs de même dimension, contenant une recette spécifique adaptée à chaque espèce.

Mais pourquoi ne pas aller plus loin et étendre cette standardisation à l’ensemble de votre production ?

Définir une unité de production cohérente

Prenons l’exemple d’une unité basée sur des étagères. Supposons que chaque étagère fasse une taille standard et puisse contenir 36 sacs de 5 kg (6 sacs par étage sur 6 niveaux).

Idéalement, les unités de fructification et d’incubation doivent être identiques, afin de faciliter le comptage et la transition des sacs entre les différentes zones.

Dans la pratique, l’optimisation de l’espace peut être plus complexe. En incubation, les sacs sont souvent légèrement espacés pour limiter la thermogenèse, tandis qu’en fructification, ils peuvent être collés les uns aux autres. Cependant, certaines espèces nécessitent plus d’espace en hauteur pour fructifier, ce qui empêche d’optimiser l’agencement autant que dans les étagères d’incubation, où la hauteur peut être plus réduite.

Standardisation des cultures de champignons dans une salle de production organisée.
Un exemple de standardisation dans une ferme de champignons, clé de l’organisation en myciculture.

Avantages d’une unité de production standardisée

A. Simplifier la gestion des volumes de substrat

Par exemple, si une unité de production de 36 sacs de 5kg permet de récolter 40 kg de champignons par semaine, il devient facile de déterminer la quantité de substrat nécessaire.

Les myciculteurs qui ont lu cet article ont aussi lu  Modèle économique d'une ferme à champignons [Business Plan]

Par exemple, si un sac de 5 kg de substrat contient :

  • 1 kg de son
  • 1 kg de pellets de feuillus

Alors, pour 1 unité de production, il faudra :

  • 18 kg de son (0,5 × 36 sacs)
  • 18 kg de pellets de feuillus (0,5 × 36 sacs)

En standardisant ainsi les quantités, vous pouvez anticiper précisément vos besoins en matières premières et éviter à la fois les ruptures et les excédents.

B. Optimiser le traitement thermique

L’uniformisation des unités de production permet aussi d’optimiser le traitement thermique. Si votre pasteurisateur vapeur peut traiter 36 sacs de 5 kg par cycle, alors une unité de production correspond exactement à un cycle de pasteurisation. Cela permet de réduire les charges incomplète des cuves, d’optimiser le temps de travail et de limiter la consommation d’énergie.

C. Faciliter la gestion du mycélium

Le même raisonnement s’applique au mycélium sur grain. Si chaque unité de production nécessite 2 sacs de 3,5 kg de mycélium, vous pourrez prévoir facilement vos besoins.

Si vous produisez votre propre mycélium, cette approche peut également être appliquée aux cultures liquides et aux géloses :

  • Combien de culture liquide faudra-t-il pour produire le mycélium sur grain ?
  • Combien de boîtes de gélose seront nécessaires pour la culture liquide précédente ?

En établissant ces équivalences dès le départ, vous assurez un flux de production fluide et maîtrisé, tout en simplifiant la gestion des stocks.

Unité de production type : un repère clair

En suivant cette logique, une unité de production peut être définie ainsi :

  • 2 sacs de 3,5 kg de mycélium
  • 18 kg de son de blé + 18 kg de pellets de feuillus
  • 1 cycle de pasteurisation vapeur
  • 1 étagère d’incubation
  • 1 étagère de fructification
  • 40 kg de champignons récoltés

Les éléments constants sont les quantités de substrat, les volumes traités et les espaces utilisés. En revanche, le rendement final de champignons peut varier selon l’espèce cultivée et la recette du substrat.

3. Déterminer la capacité maximale de production

Une fois vos unités de production définies, il est essentiel de connaître les limites de vos espaces et équipements pour optimiser votre organisation.

Prenons quelques exemples concrets :

  • Chambre d’incubation : Une pièce de 20 m² peut contenir 14 unités de production (étagères).
  • Chambre de fructification : Une surface de 16 m² peut accueillir 10 unités de production(étagères).
  • Pasteurisateur-vapeur : Si vous en avez un seul, il pourra traiter 1 unité de production(36 sacs de substrats) par jour, voire tous les 2 jours s’il n’a pas de système de refroidissement rapide.
  • Stockage du substrat : Supposons que votre espace permette de stocker 2 palettes de 500 kg chacune. Si une unité de production nécessite 40 kg de matière sèche, vous pouvez donc stocker un peu plus de 12 unités de production avant de devoir recharger.

À partir de là, une question clé à se poser est : en combien de temps mon stock est-il épuisé ? À quelle fréquence dois-je le reconstituer ? Cela dépendra directement du nombre d’unités de production utilisées chaque mois.

Le même raisonnement s’applique à vos capacités de stockage du mycélium, des cultures liquides et des géloses. Ces milieux nécessitant une température plus élevée, il peut être judicieux d’aménager un incubateur séparé ou un petit incubateur intégré dans votre chambre principale.

En calculant la capacité maximale de chaque pôle de votre ferme, vous saurez jusqu’où vous pouvez pousser votre production et anticiper les éventuels goulots d’étranglement.

Tableur Excel montrant la capacité maximale de production dans une ferme de champignons.
Visualisation de la capacité de production selon les unités de myciculture – outil d’organisation essentiel.

4. Connaître le temps du cycle de production des différentes espèces

Chaque espèce de champignon se développe à son propre rythme, que ce soit en gélose, culture liquide, mycélium sur grain ou substrat de fructification. Il est donc essentiel d’identifier précisément les durées de production pour chaque ITK (Itinéraire Technique de Culture) utilisé dans votre système.

Les myciculteurs qui ont lu cet article ont aussi lu  Les 6 types d'interaction [champignons-organismes]

Prenons l’exemple d’un cycle complet pour une souche de Pleurotus ostreatus :

  • Incubation de la gélose : 1 semaine
  • Incubation de la culture liquide : 1 semaine
  • Colonisation du grain : 2 semaines
  • Colonisation du substrat de fructification : 2 semaines
  • Mise en fructification (2 récoltes) : 2 semaines

Dans cet exemple, les durées sont exprimées en semaines pour simplifier la planification. Cependant, en réalité, ces valeurs peuvent varier. Une fois votre rythme de production bien calé, vous pourrez affiner votre suivi en jours, mais ce n’est pas recommandé au début.

Tableau Excel illustrant le temps d'un cycle complet de culture de champignons.
Suivi du temps de culture fongique, un pilier de l’organisation en myciculture.

Les facteurs qui influencent le cycle de production

Le cycle de culture est influencé par de nombreux paramètres qui peuvent accélérer ou ralentir la colonisation :

  • Les recettes des milieux de culture : Que ce soit pour la gélose, la culture liquide, le grain ou le substrat de fructification, chaque modification de recette ou variation des ingrédients impacte directement la vitesse de colonisation en modifiant l’apport en nutriments.
  • Le taux de lardage : Plus la quantité d’inoculum ajoutée est élevée, plus la colonisation sera rapide.
  • La température d’incubation et de fructification : La température influence directement l’activité enzymatique des champignons. Plus elle est proche de l’optimum, plus la croissance est rapide.
  • L’espèce et la génétique du champignon : Même au sein d’une même espèce, comme Pleurotus ostreatus, les souches peuvent réagir différemment selon le substrat ou la température, ce qui impacte leur vitesse de développement.

Un paramètre qui demande de l’expérience

Bien qu’il existe des références générales sur les temps de colonisation en fonction des souches et des milieux, la gestion précise du cycle de production ne s’apprend qu’avec la pratique. Chaque myciculteur travaille avec des souches, des substrats et un environnement de culture spécifiques, ce qui nécessite des ajustements progressifs pour optimiser son propre système d’organisation.

5. Établir un planning de production efficace

Pour bien vous organiser, commencez par établir un tableau de suivi hebdomadaire, par exemple sous Excel. Il est conseillé d’utiliser des notations comme S1, S2, S3… pour les semaines, ce qui permet d’éviter les coupures entre deux mois. Chaque colonne représentera une semaine.

Dans les lignes, inscrivez vos lots de production par espèce. Par exemple, en ligne 5 : Pleurotus ostreatus. Ensuite, sur vos milieux de culture et sacs, indiquez « Pleurotus ostreatus – Lot 5 » (correspondant à la ligne n°5). Cette méthode vous permettra de suivre précisément chaque lot dans les itinéraires de culture et les différentes pièces de production.

Tableau Excel montrant le planning de culture de champignons semaine par semaine.
Tableau Excel montrant le planning de culture de champignons semaine par semaine.

Rétroplanning : anticiper les étapes de production

Une fois le tableau mis en place, vous devez rétroplanifier vos besoins en production.

Par exemple, si vous avez besoin de 36 kg de pleurotes en semaine 10 (soit 1 unité de production), partez de la semaine S10 où vous souhaitez obtenir la fructification, puis remontez le calendrier (S9, S8, S7…), en indiquant les étapes à réaliser en amont. L’objectif est d’avoir tout prêt au bon moment.

Prendre en compte les cycles de récolte

En culture commerciale, les substrats sont généralement conservés jusqu’à la seconde récolte avant d’être remplacés. Il est donc important de noter que vous n’obtiendrez pas 100 % du rendement sur la première récolte.

  • Première récolte : environ 80 % du rendement total
  • Seconde récolte : environ 20 % du rendement total

Créer un planning correctif pour affiner les cycles

Il est conseillé de tenir un second planning correctif afin de noter précisément les durées réelles observées pour chaque étape. Ces ajustements vous permettront d’optimiser vos futurs cycles et de gagner en précision sur votre planning de production.

Utiliser un code couleur pour visualiser la capacité de production

Un code couleur permet d’évaluer rapidement votre charge de production.

  • Par exemple, vous pouvez attribuer la couleur rouge aux semaines où une unité est en fructification.
  • En comptant le nombre de cases rouges sur une semaine, vous pouvez vérifier si votre capacité maximale est atteinte.
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Si votre chambre de fructification peut accueillir 10 unités de production, mais que votre tableau ne compte que 9 cases rouges, alors vous pouvez ajouter une unité supplémentaire cette semaine-là.

Optimiser l’utilisation des espaces et des ressources

En appliquant cette méthode, vous aurez une vision claire et à long terme de l’occupation des espaces dans votre ferme. Cela vous permettra d’optimiser l’utilisation des ressources, notamment en matière de chauffage et d’humidification, et ainsi produire plus sans augmenter les coûts énergétiques.

Conclusion

Pour réussir votre organisation, n’oubliez jamais pourquoi elle est essentielle : elle vous permet d’optimiser votre rendement et votre rentabilité. En centralisant vos tâches, vous économisez du temps et de l’énergie, tout en réduisant votre charge mentale et votre stress.

Pour une organisation optimale, appliquez ces quatre principes clés :

  1. Standardisez au maximum vos unités de production.
  2. Déterminez la capacité maximale de chaque espace de votre ferme.
  3. Maîtrisez les cycles de culture de vos champignons.
  4. Regroupez et affinez ces données dans un tableau synthétique pour un suivi efficace.

Si vous mettez en place ces étapes simples mais fondamentales, vous serez mieux organisé que 99 % des myciculteurs !

Merci d’avoir lu cet article sur l’organisation de la production en myciculture 🙂 Si vous avez une remarque ou bien une question, n’hésitez pas à nous laisser un commentaire !

FAQ – Optimiser l’organisation et la rentabilité en myciculture

Pourquoi l’organisation est-elle plus importante que la taille de l’espace de culture ?

Comme l’exemple de l’article le montre, une ferme bien organisée peut produire plus sur une petite surface qu’une grande ferme mal optimisée. L’organisation permet d’optimiser l’utilisation de l’espace, de planifier précisément les cycles de production et d’éviter les pertes de temps et de ressources.

Comment standardiser ma production pour mieux gérer mes volumes ?

Standardiser signifie utiliser des unités de production fixes (par exemple, des étagères de même dimension contenant un nombre défini de sacs). Cela permet de :

  • Prévoir précisément la quantité de substrat et de mycélium nécessaire.
  • Optimiser le remplissage des pasteurisateurs et des incubateurs.
  • Faciliter la gestion des récoltes et des stocks.

Comment calculer ma capacité maximale de production ?

En définissant tes unités de production (ex. : une étagère contenant 36 sacs de substrat) et en les reliant aux capacités de tes équipements :

  • Chambre d’incubation : Combien d’unités peuvent être stockées en même temps ?
  • Chambre de fructification : Quelle est la capacité maximale en production simultanée ?
  • Pasteurisateur : Combien d’unités peut-il traiter par cycle ?
    👉 Une fois ces paramètres définis, tu peux établir un planning précis de production.

Comment optimiser la gestion du mycélium sur grain pour éviter les pertes ?

Une mauvaise gestion du mycélium peut ralentir toute la production. Pour l’optimiser :

  • Anticiper les besoins en fonction du nombre d’unités de production.
  • Éviter le surstockage : produire juste la quantité nécessaire pour limiter les risques de contamination et de vieillissement du mycélium.
  • Standardiser les recettes de substrat pour assurer une colonisation homogène.

Quels sont les pièges à éviter dans la planification de la production ?

  • Ne pas connaître le cycle exact de ses champignons : chaque espèce a un cycle spécifique, et mal l’anticiper peut créer des goulots d’étranglement.
  • Ne pas calculer ses besoins en substrat et en mycélium : risque de rupture de stock ou de gaspillage.
  • Ne pas prévoir la rotation des cultures : certaines récoltes se font en deux vagues (1ère et 2ème poussée), il faut donc intégrer cela dans le planning.
  • Ne pas suivre ses résultats : sans un suivi précis, impossible d’optimiser les cycles et d’améliorer son rendement.
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